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Ulysse , A. VARDA (1982)_ Agnès Varda, cinéaste, photographe et plasticienne, réalise ce court-métrage à partir d’une photographie (sur laquelle elle mène une enquête). Son questionnement l’amène à remonter le temps et va à la rencontre de ceux faisant partie de ce moment de photographie. Le présupposé de l’enquête est que la photo témoigne d’un évènement passé auquel on peut essayer de revenir (cf. Barthes, La Chambre Claire : « Ce qui définit la photographie, c’est un rapport particulier de l’image à son référent. Il n’est pas le même que celui des autres systèmes de représentation : ce n’est pas la chose facultativement réelle, mais celle nécessairement réelle qui a été placée devant l’objectif et sans laquelle il n’y aurait pas de photographie. (...) Le nom d’une noème (l’essence même) de la photographie sera donc ça-a-été. »). La photographie est un certificat de présence mais n’a peut-être pas grand chose à dire en elle-même, Varda va ainsi entreprendre de la faire parler. Si j’avais quatre dromadaires , C. MARKER (1966)_ Chris Marker hybride les formes et les registres de discours, il y a continuité d’un médium à l’autre. Ici, il agence ses images avec des sons et des voix. Les personnages ne voient pas la même chose. Dans Rhétorique de l’image , Barthès analyse les différents types de rapports possibles entre un texte et une image : associer un texte à une image, c’est en fixer le sens. Il distingue deux types de rapports : l’ancrage et le relais. Marker propose des commentaires à la fonction d’ancrage, mais parce que texte et image s’entrechoquent, on sort de l’attitude passive, pris dans un faisceau de commentaires contradictoires. On devient une sorte de spectateur penseur. Dans ce film, comme dans Ulysse , le réalisateur aborde la photo par ce qu’elle manque. La Jetée , C. MARKER (1962)_ Cette oeuvre se situe véritablement entre la photo et le cinéma puisqu’elle possède la fixité de la photographie mais le temps et le montage du cinéma. Elle remet en cause les spécificités des médiums dans un « entre-images ». Les photos sont d’abords des documents, dont l’auteur investit la force pour les faire parler. Plutôt que de partir de la photo, celle-ci est déjà prise dans une histoire au moment où elle est créée. Il la fait sortir de son évidence muette . Il joue avec notre rapport affectif à la photographie, avec sa valeur documentaire : on a le sentiment de « ça a été » alors qu’elle est en fait un moteur de fiction, au service d’une histoire. Dans L’Entre-Images , Bellour dit de La Jetée que « Même si le film est de fiction, la photo possède une dimension documentaire inéluctable. Elle ne double pas le temps comme le fait le film, elle le suspend, le fracture, le gèle et en celà, le documente. » Philippe DUBOIS propose de définir cette image comme cinématogramme. Ici, Marker ne disserte pas sur la nature des deux médiums (pas d’approche théorique comme Agnès Varda), il l’interroge par la fiction. Le voyage dans le temps du protagoniste, c’est un voyage à travers l’image (son passé, sa forme), sa lutte pour pouvoir circuler entre les temps est celle de la circulation entre les différents médiums. Dès le début de La Jetée , les deux temporalités viennent s’entrechoquer : sur le premier plan, il nous faut un certain temps pour nous apercevoir qu’on a une image fixe. Le mouvement de la caméra n’est pas un travelling aérien mais un travelling sur image, la sonorisation diégétisante (dixit P. Dubois) vient masquer pendant un moment la nature muette de la photographie. La photo est ainsi problématisée. Les séquences sont construites selon un style et une structure cinématographique (fondus enchainés, au noir, etc.) qui donne une fluidité à la séquence photographique. Un découpage vient agencer différentes échelles de plan et différents angles de vue. Le cinématographique n’est pas ici identifié au mouvement par rapport à la fixité puisqu’elle ne vient pas le menacer, la continuité de l’espace-temps diégétique est assuré par le montage. C. Metz : « La photographie, comme la mort, est un enlèvement instantané d’un objet du monde pour le placer dans une autre sorte de temps, à la différence du cinéma qui, après l’acte d’appropriation, replace l’objet dans un temps qui se déroule de manière similaire à celui de la vie. » Le cinéma reproduit la vitalité du présent alors que la photographie est une représentation du passé. En hybridant les conventions des deux médiums dans une même oeuvre, le film remet en cause l’opposition binaire entre le cinéma et la photographie, leurs rapports à la vie et la mort, au présent et au passé. Uriel ORLOW : « Dans La Jetée , la photo rappelle au cinéma que, comme elle, il ne peut représenter le temps réel dont le flux ne peut jamais être stoppé ni divisé en parts égales. Le film propose un autre type de temporalité qui ne repose pas seulement sur le mouvement qui combine le « ça a été » et le « peut-être est-ce encore » de la photographie avec le « cela est » ou « cela sera » du cinéma. » Fluidité entre passé, présent et futur. Dénaturalisation du temps cinématographique. Le cinéma peut lui aussi inventer ses temps propres, produisant un effet de distanciation renvoyant au spectateur pensif. 4. Arrêter, ralentir l’image. !Le cinéma peut lui aussi inventer ses temps propres, produisant un effet de distanciation renvoyant au spectateur pensif. D’après Bellour, l’arrêt sur image n’est pas une irruption violente du photographique dans le film, mais « l’effet-photo » au cinéma : « cette façon qu’a le cinéma de tordre le cou (tordre sa temporalité) pour se voir et de se transformer (arrêt) en intégrant les données apparemment les plus contraires à sa nature de spectacle illusoire fondé sur la continuité et la transparence du mouvement. » C’est aussi le signe que le réalisateur exerce un contrôle sur son film et son public, il signale sa présence (c’est pourquoi l’arrêt sur image était, à ses débuts, plus fréquent dans le cinéma d’auteur, période moderne). Remise en cause du mouvement au cinéma. Deux types d’arrêt sur image : celui inhérent au film (choisi par l’auteur) et celui du spectateur ou de l’analyste face au visionnage. Ce procédé relève d’un paradoxe : l’image est arrêtée sans que le temps ne le soit (la pellicule continue à défiler). Les 400 Coups , F. TRUFFAUT (1959)_ Fin du film_ L’action se fige dans le regard-caméra. Dans A propos de l’impression de réalité au cinéma , Metz s’interroge sur les rapports entre l’impression de réalité et la croyance du spectateur, sa participation affective : « Le secret du cinéma, c’est injecter dans l’irréalité de l’image la réalité du mouvement et réaliser l’imaginaire jusqu’à un point jamais atteint. » L’arrêt sur image, ajouté au regard-caméra, nuit à l’effet de réel et figure l’impasse du héros et ce moment de sortie du film. Mais ici, cette sortie du film permet de prolonger autrement notre expérience de spectateur, elle provoque notre imaginaire. Le personnage reste figé dans un « ça a été » (c’est sa sortie de l’enfance). L’arrêt permet ici d’ouvrir le film et le temps, grâce au pouvoir de la photographie, vers un avenir. C’est également un trouble au niveau du son. Serge DANEY, pour sa part, considère l’arrêt sur image comme une « pulsion de mort », un suicide du cinéma (puisqu’il perd alors de sa puissance de vie). Double Blind / No Sex last night , S. CALLE (1992)_ Le montage alterne des séquences vidéos mobiles et des images prélevées de la bande vidéo. Cette alternance participe à une écriture du temps qui vient rendre compte d’une expérience subjective. Quand ils s’arrêtent, le mouvement et la fluidité s’arrêtent aussi, ils sont pris dans l’image, figés. Frustration du spectateur qui se retrouve aussi arrêté dans sa perception. La distorsion du temps filmique ne cherche pas ici à dénaturaliser l’image mais à lui donner un autre aspect réaliste. Bellour pointe le changement de l’expérience vécue par le spectateur. Dans Le Texte Incitable , il parle de l’analyse de film textuelle (qui apparait dans les années 70) : « le film se déploie dans le temps et dans l’espace, l’analyste ne peut donc citer véritablement le texte ; l’arrêt sur image n’est qu’un substitut à son impuissance. Sa fonction contradictoire est d’ouvrir la textualité du film à l’analyste tout en l’interrompant. » !Le ralenti remet lui aussi en question la temporalité du film (il consiste à augmenter le nombre d’images par seconde lors de la prise de vue afin de pouvoir ensuite ralentir le mouvement). C’est une dilatation du mouvement, alors que l’arrêt sur image est son immobilité. Leur point commun est de remettre en cause le mode narratif classique de l’image animée. In The Mood for Love , W. KAR-WAI (2000)_ Le croisement dans l’escalier_ Moments de suspension, de grâce, dans l’histoire de ces deux personnages qui se croisent. Ressort narratif et esthétisant. Distanciation onirique. Le ralenti fait sentir d’une manière privilégiée ce qui se joue dans une scène d'un point de vue esthétique, narratif, sensoriel, etc. C’est un moment de suspension des images pour peut-être mieux nous faire entrer dans le temps, dans la profondeur du temps. C’est une manière d'ouvrir les possibilités du cinéma : tout comme la photo, qui n'est pas instantanée, le cinéma peut ne pas reproduire le mouvement empirique / un temps objectivé. Du point de vue de la réception du spectateur, le ralenti est-il un procédé de distanciation ou peut- on continuer d'y croire ? Selon les situations, on peut être de l'un ou de l'autre côté ; de l'ordre du général il y a peut être toujours un effet d'implication qui peut être plus ouverte qui peuvent le sortir du film ou l'amener d'une autre manière de s'impliquer. !Un autre procédé technique de ralenti : le time-slice (tranche), procédé des 80's développé par Tim MACMILLAN qui consiste à disposer plusieurs appareils photos autour d'un sujet en mouvement et à tous les déclencher en même temps. La succession à l'écran de ces images prises de différents points de vue ressemble à un regard qui se meut dans un espace figé. Ce procédé est aussi appelé bullet-time . Le time-slice est assez proche de la chronophotographie de Muybridge, car il repose sur un déclenchement successif mais très rapide qui donne cet impression de ralentit plutôt que d'espace figé) : le corps est figé dans l'espace et le regard de la caméra lui tourne autour. Une continuité des procédés photographiques influe sur les procédés cinématographiques. Son utilisation la plus célèbre est certainement dans Matrix (1999) : en sortant du temps réel du mouvement rapide, en l'étirant, on peut voir la précision des gestes ; c’est une sorte de zoom dans le temps. Figure de sur-implication du spectateur qui ne sort pas du film mais qui y entre justement encore plus vite. !Le cinéma peut inventer ses temps propres, des temporalités qui ne cherchent pas à reproduire les temporalités objectives de la vie. Il y a un temps propre à chaque film certes (grâce au montage), mais le ralenti ou l'arrêt sur image crée une temporalité différente depuis l'intérieur d'un plan. C’est-à-dire que l'hybridation avec un temps photographique, qui tend vers la fixité, serait une manière de construire des temporalités singulières. Que devient cette question de fixité et de mouvement si on s'intéresse à ce qui est mis en scène devant la caméra ? !Il y a différents types de performance physique : la différence entre photographie et cinéma devient la différence entre ce qui est posé et ce qui est joué. Ces performances ne sont pas inhérentes à la nature du médium. On pourrait jouer dans la photographie ou à l'inverse (exemple de Warhol), la pose au cinéma serait une forme profilmique, un arrêt dans le mouvement. Cette hybridation entre photographique et cinématographique peut jouer sur la distinction entre joué et posé : tableaux vivants au théâtre, certains gros plans qui forment une pause au cinéma (portraits photographiques ?), flou de mouvement en photographie ou utilisation de scènes narratives. —————————— |
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