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Ressources pour construire une séquence Opéra/ Littérature Par Vanessa de Hillerin, professeur désormais dans l’académie de Paris Etude de L'enfant et les sortilèges, « fantaisie lyrique » de Ravel d'après un livret de Colette. « J'ai pas envie de faire ma page, J'ai envie d'aller me promener. J'ai envie de manger tous les gâteaux. J'ai envie de tirer la queue du chat Et de couper celle de l'écureuil. J'ai envie de gronder tout le monde ! J'ai envie de mettre Maman en pénitence... » Un opéra qui s'ouvre sur un enfant boudeur et paresseux à l'idée de faire ses devoirs... Un opéra miniature de moins d'une heure que Ravel nommait par humilité « fantaisie lyrique ». Une féerie où objets et bêtes s'animent, principaux personnages qui déterminent l'action. L'Enfant et les sortilèges n'est-il pas la petite porte rêvée pour initier les enfants au grand opéra ? Au-delà de l'identification possible avec cet enfant rebelle, le charme de cette féerie tient à la fois au délicieux livret de Colette, parfaitement à l'aise dans ce dialogue de bêtes, à la musique raffinée du Ravel horloger et à l'ironie tendre des deux artistes. Entrées possibles : Classe de 6ème : l'étude du conte et du merveilleux. Classe de 5ème : Reprise et variation autour du conte en début d'année en lien avec « Poésie, jeux de langage » / Etude du dialogue - Objectifs : - Découvrir un opéra miniature et virtuose dont le héros est un enfant. - S'initier aux conventions de l'opéra (les types de voix, l'orchestration, les choeurs, la mise en scène) et à celles de l'écriture d'un livret d'opéra. - (Re)découvrir le conte sous l'angle de la féerie. - Ecrire un fragment supplémentaire à la première partie du livret en inventant un sortilège de plus, une scène où un autre objet s'anime et se révolte. - Rédiger l'argument, c'est à dire le résumé de l'action, de la première partie puis de la seconde. Outils de la langue : on proposera une leçon sur les classes grammaticales (du fait de la forte fragmentation du langage au profit du chant) ou bien l'étude des types de phrases puisque le livret est composé de dialogues. On peut aussi envisager l'étude des phrases simples et phrases complexes car les didascalies contiennent de nombreuses phrases nominales et les dialogues vont de l'onomatopée à la phrase complexe. Supports: - Le livret complet de l'Enfant et les sortilèges (une dizaine de pages téléchargeables ou bien livret disponible dans « L'avant-scène Opéra » sur L'Enfant et les sortilèges/l'Heure espagnole de Ravel, n°127, 1990.) - CD L'Enfant et les sortilèges dirigé par Lorin Maazel, orchestre national de la RTF, 1961, chez Deutsche Grammophon - DVD du film L'Enfant et les sortilèges réalisé par Roger Kahane en 1967, produit par l'ORTF.(disponible sur le site de l'INA pour 6 euros) - DVD de l'opéra L'Enfant et les sortilèges, filmé par le Glyndebourne Festival Opéra, 2009 (avec L'Heure espagnole) Plan de la séquence : I La genèse de l'oeuvre
II A la découverte d'un livret d'opéra (Etude de la première partie à partir du livret)
III Etude littéraire et musicale de la première partie _ Une scène de révolte et de dévastation _ Une esthétique du pastiche et de la falsification _ Vers une esthétique de l'authentique _ Comparer des mises en scène : opéra filmé et film sur l'opéra Exercices d'écriture :
IV Etude littéraire et musicale de la seconde partie _ De la chambre au jardin, du règne des objets à celui des bêtes _ Du chaos à la rédemption: questionnaire sur le final de l'opéra V Est-ce un conte opératique ?
VI Prolongements
I La genèse de l'oeuvre Une commande L'enfant et les sortilèges est le premier opéra destiné spécifiquement au jeune public. Jacques Rouché, directeur de l'Opéra de Paris du début de la première guerre mondiale jusqu'à la fin de la seconde rencontre Colette dans un salon1 et lui commande un livret de ballet ou d'opéra. Ecrit prestissimo en huit jours, le livret est intitulé « Divertissement pour ma fille ». Colette fait la moue lorsque Rouché lui propose divers musiciens mais s'enthousiasme au nom de Maurice Ravel. Il est déjà l'auteur de plusieurs féeries comme les contes de Ma mère l'Oye, Shéhérazade ou le Noël des jouets2. La guerre s'interpose et Ravel met cinq ans avant de livrer la partition. Au nom de la mère Pour Colette comme pour Ravel, cette féerie est un hommage à la mère adorée et perdue. Fin 1916, le musicien perd sa mère et Colette écrit dans la douleur du deuil de Sido. L'opéra en porte la trace : la mère est le véritable dieu caché dont on ne voit pas le visage, qui intervient pour punir au début et dont le nom est invoqué à la toute fin. C'est la figure salvatrice qui porte la même chaîne au cou, avec ciseaux et lorgnons, que la mère de Colette décrite dans Sido, le roman éponyme. C'est cette mère qui a livré à sa fille l'amour inconditionnel de la nature et une forme de panthéisme sensuel, en l'éveillant à l'aube pour se promener dans la rosée du jardin de Saint Sauveur peuplé de toutes sortes de créatures! Colette et les bêtes Colette est plus que l'amie des bêtes, elle se glisse dans leur âme par l'écriture; et lorsque son premier divorce la laisse désargentée, elle gagne sa vie au music'hall grâce à la pantomime. Elle devient chatte dans la revue du Ba-Ta-Clan3 . Le bestiaire de l'Enfant et les sortilèges est une sorte de paradis perdu. Colette écrit dans Paradis terrestre que « chacun se fait du Paradis mésopotamien, c'est à dire de la féerie, l'idée qu'il lui plait le mieux. La mienne ne saurait se passer d'animaux ». Le music'hall à l'opéra Ces créatures chantent et dansent lors de la création de l'oeuvre en 1925, au théâtre de Monte-Carlo. La Compagnie de Diaghilev est alors en résidence à Monaco et assure les divertissements d'opéra. George Balanchine mêle ainsi danseurs et chanteurs pour recréer un opéra-ballet. La variété de l'écriture musicale autorise toutes les danses : menuet du fauteuil, gigue du feu, valse américaine des libellules, fox-trott de la tasse et de la théière, ronde des chauve-souris... Colette et Ravel s'accordent dès le début pour relever avec fantaisie cette féerie en introduisant le music'hall à l'opéra : « Qu'une terrifiante rafale de music-hall évente la poussière de l'opéra! Allez-y! Je suis contente de savoir que vous pensez toujours au « Divertissement pour ma fille » » Lettre de Colette à Maurice Ravel, le 5 mars 1919 Une miniature virtuose et raffinée Cependant, cette « fantaisie lyrique » reste un bijou sonore, une miniature comme celles que Ravel affectionnait : pièces d'orfévrerie, automates, petit rossignol mécanique en hommage à Stravinski. La partition brillante, virtuose déploie une vaste palette sonore de la valse américaine au choral sacré en passant par une polka, un rag-time, un menuet, une polyphonie renaissante, des passages de musique impressionniste, moderniste ou encore le lyrisme épuré de l'aria de l'enfant. Marcel Marnat fait ainsi l'éloge du chef d'oeuvre : « Burlesque débridé, humour, émotion, parodies d'une élégance suprême, ce condensé de grand opéra, Ravel annonça qu'il le ferait avec ses souvenirs de Monteverdi, Massenet, Moussorgsky, Puccini et de l'opérette américaine »4. Propositions pédagogiques On peut proposer aux élèves de découvrir Colette par des recherches biographiques personnelles et leur montrer une photo d'elle en chat au Ba-Ta-Clan puis lire un passage au choix des Dialogues de bêtes. II A la découverte d'un livret d'opéra Observer le livret et la partition
Support : La liste des personnages Quels types de personnages rencontre-t-on dans cet opéra miniature ? Classer les personnages en répertoriant les humains, les objets et les bêtes
Observer la composition de l'orchestre et les notes pour l'exécution données par Ravel. Quels sont les instruments que vous connaissez ? Quels sont ceux que vous ne connaissez pas ? Ceux qui sont insolites, inhabituels dans un orchestre classique ? On notera bien sûr la présence du tam-tam, d'un fouet, d'une crécelle (à manivelle) et d'une râpe à fromage chargée de moult onomatopées ! En collaboration avec le professeur de musique, on peut programmer une recherche sur les instruments particuliers tels que le Wood-block, l'éoliphone, les crotales, le celesta et le luthéal.
Analyse de la didascalie liminaire « Une pièce à la campagne (plafond très bas), donnant sur un jardin. Une maison normande, ancienne, ou mieux : démodée; de grands fauteuils, houssés; une haute horloge en bois, à cadran fleuri. Une tenture à petits personnages, bergerie. Une cage ronde à écureuil, pendue près de la fenêtre. Une grande cheminée à hotte, un reste de feu paisible; une bouilloire qui ronronne. Le chat aussi, c'est l'après-midi. (L'enfant, six ou sept ans, est assis devant un devoir commencé. Il est en pleine crise de paresse, il mord son porte-plume, se gratte la tête et chantonne à demie -voix.) » Ce décor présente un intérieur de maison bourgeoise et laisse deviner un jardin, un extérieur qui sera le décor de la seconde partie. Les élèves remarqueront aisément que cette description est pragmatique, à peine rédigée et constituée de phrases nominales. Ce n'est pas le cas du second paragraphe qui présente le personnage principal. On peut faire deviner aux élèves quels sont les personnages cachés dans le décor par recoupement avec la liste des personnages (le fauteuil, la bergère, l'horloge, les petits personnages de la tenture, pâtre et pastourelle, l'écureuil, le feu dans la cheminée, le chat). La présentation du héros est surprenante : un enfant est dans une attitude de paresse et d'ennui, de rêverie. Les élèves s'identifieront aisément à ce personnage d'enfant rebelle. Ils remarqueront aussi qu'il s'agit d'un enfant du début du siècle au détail du porte-plume (cf date de la première création en 1925). La didascalie qui suit souligne la disproportion des êtres et des objets, grandis démesurément pour adopter le point de vue de l'enfant. « (La porte s'ouvre. Entre Maman, ou plutôt ce qu'en laissent voir le plafond très bas et l'échelle de tout le décor où tous les objets assument des dimensions exagérées, pour rendre frappante la petitesse de l'Enfant, c'est à dire une jupe, le bas d'un tablier de soie, la chaîne d'acier où pend une paire de ciseaux, et une main. Cette main se lève, interroge de l'index.) » La mère est une silhouette, ombre menaçante à l'index pointé. Comment représenter l'instance maternelle ? Si l'on suit les intentions de Colette, on ne doit pas voir son visage mais seulement sa robe et ses mains. On s'interrogera avec les élèves sur la manière de représenter sur scène non seulement ce personnage mais ce décor et sa disproportion. Les metteurs en scène en ont souligné la difficulté, qui force à abandonner l'échelle réelle. La troisième didascalie mentionne le plateau apporté par « maman » : il contient des objets qui seront autant de personnages : la théière et la tasse de thé chinoise. On peut alors demander aux élèves de lire toutes les didascalies, de la scène initiale de dévastation jusqu'à celle qui mentionne la danse du fauteuil et de la bergère. A la seule lecture des didascalies, les élèves peuvent comprendre l'argument de départ et deviner la suite. On peut ensuite leur demander de répertorier les méfaits de l'enfant afin de mieux anticiper les sortilèges qui en découleront : destruction de la théière et de la tasse de thé chinoise, l'agression avec une pique de l'écureuil, le fait de tirer la queue du chat, de jouer avec le feu, de renverser la bouilloire dans la cheminée, de lacérer la tenture avec le tisonnier, d'arracher le balancier de l'horloge et enfin d'arracher et déchirer les cahiers et les livres. |
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