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«Acquérir la nationalité française, c’est un combat»Par Marie Piquemal — 21 avril 2012 à 08:25 ![]() La devise nationale sur un drapeau français. Photo John Schults. Reuters
Ils vivent en France depuis des années, ils ont construit leur vie ici ou en ont le projet. Ils aiment la nation au point de demander à en faire partie. Ils souhaitent devenir Français. Longtemps, la naturalisation fut le symbole de l’intégration réussie. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Le pouvoir en place multiplie les obstacles pour limiter au maximum le nombre de naturalisations accordées, le ministre de l’Intérieur Claude Guéant se vantant même d’une baisse de 30 % entre 2010 et 2011. Les candidats à la nationalité se heurtent à une série de barrières. Déposer une demande est déjà une épreuve : heures d’ouverture des préfectures en pointillé, nombre incalculable de documents administratifs à fournir, conditions drastiques à remplir. Depuis peu, il faut aussi valider un test de langue française, niveau troisième. A ces obligations légales s’en ajoutent d’autres, variables au gré des humeurs des préfectures et des objectifs fixés par le ministère. Mahmoud, Egyptien âgé de 50 ans, vit et travaille en France depuis plus de vingt ans. Pour la quatrième fois, sa demande de naturalisation a été refusée, il a fait appel. Adama est d’origine ivoirienne. Il a fui son pays il y a sept ans. Il raconte la difficulté pour obtenir le statut de réfugié politique et son combat aujourd’hui pour devenir Français. Chacun à leur manière, tous deux témoignent du parcours éprouvant et sans fin pour devenir un citoyen français. Entre espoirs et désillusions. «Je tourne en rond, je suis bloqué»Mahmoud, 50 ans, égyptien, en France depuis plus de 20 ans. « J’ai un travail, je suis employé municipal comme agent d’accueil et de sécurité. J’enchaîne les contrats d’un an renouvelable. La mairie qui m’emploie veut me titulariser comme fonctionnaire mais, pour cela, il me faut la nationalité française. J’en suis à ma quatrième demande de naturalisation. A chaque fois, refus. La première fois, c’était en 1992. J’étais marié à une Parisienne, je vivais en France depuis déjà deux ans. Les démarches sont très longues, il faut fournir tout un tas de documents, parfois difficiles à trouver comme l’acte de naissance des parents. Apporter des justificatifs de domicile de tous les endroits où on a vécu dans sa vie, aussi. Pendant la procédure, ma femme et moi, on s’est séparé. J’ai été honnête, je l’ai dit à l’administration. C’était bête de ma part, ma demande a été rejetée. J’ai attendu quelques années avant de déposer un nouveau dossier. A l’époque, je vivais dans un foyer de travailleurs immigrés. J’y suis resté treize ans avant d’avoir un vrai logement. C’est long. Ça gâche la vie en partie, on ne peut rien construire. J’ai redéposé une demande en 2006. A chaque fois, il faut tout recommencer. La préfecture garde les justificatifs originaux. La deuxième fois, mon dossier a été refusé parce que j’étais au chômage. J’ai ensuite trouvé un emploi à la mairie, un contrat d’avenir de deux ans. J’ai refait une demande, à nouveau refusée cette fois parce que ce n’était pas un CDI… Mais je ne peux pas être embauché comme fonctionnaire parce qu'il faut être français ! Vous voyez un peu le truc ? Je tourne en rond, je suis bloqué. Tout ça, ce sont des prétextes. Si j’étais américain ou européen, ce ne serait pas pareil, j’en suis certain. Je suis égyptien, et donc arabe, voilà la raison. Heureusement, j’ai du caractère. Dans une situation pareille, une personne faible, elle pète les plombs. Croyez-moi, il y a de quoi craquer. Surtout, je suis intégré, je vis en France depuis 1990, je ne suis jamais parti. Je n’ai jamais osé retourner en Egypte pour les vacances de peur de ne pouvoir revenir. Ma vie est ici, en France. Mes racines sont là-bas. Lors de ma première demande de nationalité, j’avais coché la case pour franciser mon prénom. Les autres fois, non. J’ai compris que même si j’obtiens le passeport français, je ne serai jamais considéré comme un citoyen à part entière, plutôt comme un Français de deuxième classe.» Marie Piquemal http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2016/05/25/nicolas-sarkozy-rejoue-l-ode-a-l-identite-nationale_4926135_4854003.html Élection présidentielle 2017 ![]() |