Jeudi 02 Décembre 1971 « Entretiens de Sainte-Anne » Table des matières Ce que je fais avec vous ce soir, ce n’est évidemment pas - pas plus ça ne le sera que ça ne l’a été la dernière fois -
ce n’est évidemment pas ce que je me suis proposé, cette année, de donner comme pas suivant de mon séminaire.
Ça sera comme la dernière fois, un entretien. Chacun sait - beaucoup l’ignorent - l’insistance que je mets auprès de ceux qui me demandent conseil, sur les entretiens préliminaires dans l’analyse. Ça a une fonction bien sûr, pour l’analyse, essentielle. Il n’y a pas d’entrée possible
dans l’analyse sans entretiens préliminaires. Mais il y a quelque chose qui en approche sur le rapport entre ces entretiens
et ce que je vais vous dire cette année, à ceci près que ça ne peut absolument pas être le même, étant donné
que comme c’est moi qui parle, c’est moi qui suis ici dans la position de l’analysant. Alors ce que j’allais vous dire... J’aurais pu prendre bien d’autres biais mais en fin de compte c’est toujours au dernier moment que je sais ce que je choisis de dire. Et pour cet entretien d’aujourd’hui, l’occasion m’a semblée propice
d’une question qui m’a été posée hier soir par quelqu’un de mon École. C’est une des personnes qui prennent
un peu à cœur leur position et qui m’a posé la question suivante qui a, bien sûr, à mes yeux l’avantage de me faire entrer tout de suite dans le vif du sujet. Chacun sait que ça m’arrive rarement, j’approche à pas prudents.
La question qui m’a été posée est la suivante : « L’incompréhension de Lacan est-elle un symptôme ? » Je la répète donc textuellement. C’est une personne à qui en l’occasion je pardonne aisément pour avoir mis mon nom
- ce qui s’explique puisqu’elle était en face de moi - à la place de ce qui eût convenu, à savoir de « mon discours ».
Vous voyez que je ne me dérobe pas, je l’appelle « mon ». Nous verrons tout à l’heure si ce mon mérite d’être maintenu. Qu’importe. L’essentiel de cette question était dans ce sur quoi elle porte, à savoir si l’incompréhension de ce dont
il s’agit, que vous l’appeliez d’une façon ou d’une autre, est un symptôme. Je ne le pense pas. Je ne le pense pas, d’abord parce que, en un sens, on ne peut pas dire que quelque chose qui a quand même un certain rapport avec mon discours, qui ne se confond pas, qui est ce qu’on pourrait appeler ma parole,
on ne peut pas dire quelle soit absolument incomprise, on peut dire, à un niveau précis, que votre nombre en est la preuve. Si ma parole était incompréhensible, je ne vois pas bien ce que, en nombre, vous feriez là. D’autant plus qu’après tout ce nombre est fait en grande partie de gens qui reviennent et puis que, comme ça, au niveau d’un échantillonnage qui me parvient quand même, il arrive que des personnes qui s’expriment de cette façon qu’elles ne comprennent pas toujours bien ou tout au moins qu’elles n’ont pas le sentiment de comprendre, pour reprendre enfin un des derniers témoignages que j’en ai reçus, de la façon dont chacun exprime ça, eh bien, malgré ce sentiment un peu « de ne pas y être », il n’empêche - me disait-on dans le dernier témoignage - que ça l’aidait, la personne en question
à se retrouver dans ses propres idées, à s’éclaircir, à s’éclaircir elle-même sur un certain nombre de points. On ne peut pas dire qu’au moins pour ce qui en est de ma parole, qui est bien évidemment à distinguer du discours
nous allons tâcher de voir en quoi, il n’y a pas à proprement parler ce qu’on appelle incompréhension. Je souligne
tout de suite que cette parole est une parole d’enseignement. L’enseignement donc, en l’occasion je le distingue du discours.
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