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neutres; une neutralité bienveillante peut parfois décider du succès. Avec une telle organisation, instaurée sur une base théorique bien ferme et disposant d'un organe social-démocrate, il n'y aura pas à craindre que le mouvement soit dévoyé par les nombreux éléments du «dehors», qui y auront adhéré (au contraire, c'est maintenant avec le travail artisanal qui domine chez nous, que nous voyons nombre de social-démocrates tirer le mouvement en direction du Credo, se prétendant seuls des social-démocrates). En un mot, la spécialisation implique nécessairement la centralisation; elle l'exige absolument. Mais B-v lui-même, qui a si bien montré toute la nécessité de la spécialisation, en mesure insuffisamment la valeur, selon nous, dans la deuxième partie du raisonnement cité. Le nombre des révolutionnaires issus des milieux ouvriers est insuffisant, dit-il. Cette observation est parfaitement juste, et nous soulignons encore une fois que la «précieuse communication d'un proche observateur» confirme entièrement nos vues sur les causes de la crise actuelle de la social-démocratie, et, partant, sur les moyens d'y remédier. Ce ne sont pas simplement les révolutionnaires qui, en général, sont en retard sur l'élan spontané des masses; même les ouvriers révolutionnaires retardent sur l'élan spontané des masses ouvrières. Et ce fait confirme de toute évidence, même au point de vue «pratique», non seulement l'absurdité, mais aussi le caractère politique réactionnaire de la «pédagogie» qui nous est si souvent servie à propos de nos devoirs envers les ouvriers. II atteste que notre obligation première et impérieuse est de contribuer à former des révolutionnaires ouvriers qui, sous le rapport de leur activité dans le Parti, soient au même niveau que les révolutionnaires intellectuels. (Nous soulignons: sous le rapport de l'activité dans le Parti, car, sous les autres rapports, atteindre à ce même niveau est, pour les ouvriers, chose beaucoup moins facile et beaucoup moins urgente bien que nécessaire.) C'est pourquoi il faut nous attacher principalement à élever les ouvriers au niveau des révolutionnaires, et nullement nous abaisser nous-mêmes jusqu' au niveau de la «masse ouvrière», comme le veulent les économistes, jusqu'au niveau de l'«ouvrier moyen», comme le veut la Svoboda (qui, sous ce rapport, se hausse au deuxième degré de la «pédagogie » économiste). Loin de moi la pensée de nier la nécessité d'une littérature populaire pour les ouvriers, et d'une autre particulièrement populaire (mais pas une littérature de pacotille) pour les ouvriers les plus arriérés. Mais ce qui me révolte, c'est cette tendance continuelle à coller la pédagogie aux questions de politique, aux questions d'organisation. Car enfin, Messieurs les défenseurs empressés de «l'ouvrier moyen», au fond vous insultez plutôt l'ouvrier à vouloir toujours vous pencher vers lui avant de lui parler de politique ouvrière ou d'organisation ouvrière. Redressez-vous donc pour parler de choses sérieuses, et laissez la pédagogie aux pédagogues, et non aux politiques et aux organisateurs! N'y a-t-il pas de même parmi les intellectuels des éléments avancés, des éléments «moyens» et une «masse»? Tout le monde ne reconnaît-il pas la nécessité d'une littérature populaire pour les intellectuels, et ne publie-t-on pas cette littérature? Mais figurez-vous que, dans un article sur l'organisation des étudiants ou des collégiens, l'auteur, du ton d'un homme qui vient de faire une découverte, rabâche que ce qu'il faut tout d'abord, c'est une organisation des «étudiants moyens». Il fera à coup sûr rire de lui, 83 et ce sera justice. Mais, donnez-nous donc, lui dira-t-on, quelques idées sur l'organisation, si vous en avez, et laissez-nous le soin de voir quels sont parmi nous les éléments «moyens», supérieurs ou inférieurs. Et si vous n'avez pas d'idées à vous sur l'organisation, tous vos discours sur «la masse» et sur les éléments «moyens » seront simplement fastidieux. Comprenez donc que les questions de «politique » et d'«organisation» sont en elles-mêmes si sérieuses qu'on ne saurait les traiter autrement que sur le mode très sérieux: on peut et on doit préparer les ouvriers (ainsi que les étudiants et les collégiens) de façon à pouvoir aborder devant eux ces questions, mais du moment que vous les avez abordées, donnez-leur une vraie réponse, ne faites pas machine arrière, vers les «moyens» ou vers la «masse», ne vous en tenez pas quittes avec des phrases ou des anecdotes*. Pour se préparer entièrement à sa tâche, l'ouvrier révolutionnaire doit devenir aussi un révolutionnaire professionnel. C'est pourquoi B-v n'a pas raison lorsqu'il dit que l'ouvrier étant occupé onze heures et demie à l'usine, les autres fonctions révolutionnaires (sauf l'agitation) «incombent forcément à un nombre infime d'intellectuels». Cela ne se fait pas du tout «forcément», mais par suite de notre état arriéré; c'est parce que nous ne comprenons pas notre devoir, qui est d'aider tout ouvrier se faisant remarquer par ses capacités à devenir agitateur, organisateur, propagandiste, colporteur professionnels, etc., etc. A ce compte-là! nous gaspillons honteusement nos forces, nous ne savons pas ménager ce qu'il faut cultiver et développer avec le plus grand soin. Voyez les Allemands: ils ont cent fois plus de forces que nous, mais ils comprennent parfaitement que les ouvriers «moyens» ne fournissent pas trop souvent des agitateurs vraiment capables, etc. C'est pourquoi ils ont à coeur de placer immédiatement tout ouvrier capable dans des conditions lui permettant de développer à fond et d'appliquer de même ses aptitudes; ils en font un agitateur professionnel, ils l'encouragent à élargir son champ d'action, à l'étendre d'une seule usine à toute la profession, d'une seule localité à l'ensemble du pays. Il acquiert ainsi de l'expérience et de l'habileté dans sa profession; il élargit son tour d'horizon et ses connaissances; il observe de près les chefs politiques éminents des autres localités et des autres partis; il s'efforce de s'élever lui-même à leur niveau et d'allier en soi la connaissance du milieu ouvrier et l'ardeur de la foi socialiste à la compétence professionnelle, sans laquelle le prolétariat ne peut mener une lutte tenace contre un ennemi parfaitement dressé. C'est ainsi, et seulement ainsi, que les Bebel et les Auer sortent de la masse ouvrière. Mais ce qui, pour une grande part, se fait tout seul dans un pays politiquement libre, ce sont nos organisations qui doivent le réaliser chez nous de façon systématique. Tout agitateur ouvrier tant soit peu doué et «donnant des espérances», ne doit pas travailler onze heures à l'usine. Nous devons prendre soin qu'il vive aux frais du parti, qu'il puisse, au moment voulu, passer à l'action clandestine, changer de localité, sinon il n'acquerra pas grande expérience, il n'élargira pas son horizon, il ne saura pas tenir au moins quelques années dans la lutte contre les gendarmes. Plus large et plus profond devient l'élan spontané des masses ouvrières, et plus celles-ci mettent en avant d'agitateurs de talent, mais aussi d'organisateurs et de propagandistes doués et de «praticiens», au meilleur sens du mot (comme il y en a si peu parmi nos intellectuels, pour la plupart assez apathiques et nonchalants à la manière russe). Lorsque nous aurons des détachements d'ouvriers révolutionnaires spécialement préparés (et, bien --------- * Svoboda, N' 1, article «L'organisation », p. 66: «La masse ouvrière appuiera de tout son poids toutes les revendications qui seront formulées au nom du Travail de Russie» (naturellement, Travail avec une majuscule). Et l'auteur de s'exclamer: «Je ne suis point du tout hostile aux intellectuels, mais» . . . (c'est ce mais que Chtchédrine a traduit par le dicton: on ne saute pas plus haut qu'on a les oreilles!) . • «mais je suis toujours terriblement fâché, quand quelqu'un vient me débiter une foule de très belles et excellentes choses, exigeant qu'elles soient acceptées pour leur (sa?) beauté et autres mérites » (p. 62). Moi aussi, cela me «fâche toujours terriblement» . . , 84 entendu, de «toutes les armes » de l'action révolutionnaire) par un long apprentissage, aucune police politique du monde ne pourra en avoir raison, parce que ces détachements d'hommes dévoués corps et âme à la révolution jouiront de la confiance illimitée des masses ouvrières. Et nous commettons une faute en ne «poussant" pas assez les ouvriers sur cette voie, commune à eux et aux «intellectuels», de l'apprentissage révolutionnaire professionnel, en les tirant trop souvent en arrière par nos discours stupides sur ce qui est «accessible » à la masse ouvrière, aux «ouvriers moyens », etc. Sous ce rapport aussi, l'étroitesse du travail d'organisation est en connexion indéniable, intime (bien que l'immense majorité des «économistes» et des praticiens débutants n'en aient pas conscience) avec le rétrécissement de notre théorie et de nos tâches politiques. Le culte de la spontanéité fait que nous craignons en quelque sorte de nous écarter même d'un pas de ce qui est «accessible» à la masse; de nous élever trop au-dessus de la simple satisfaction de ses besoins directs et immédiats. Ne craignez rien, Messieurs! Souvenez-vous qu'eu matière d'organisation nous sommes si bas qu'il est absurde même de penser que nous puissions nous élever trop haut! e) L'ORGANISATION « CONSPIRATIVE » ET LE «DEMOCRATISME » Et c'est justement ce que craignent par-dessus tout les gens - très nombreux parmi nous- chez qui le «sens des réalités» est extrêmement développé et qui accusent ceux qui s'en tiennent au point de vue exposé ici, d'abonder dans le sens de la «Narodnaïa Volia», de ne pas comprendre le «démocratisme», etc. II faut nous arrêter à ces accusations, que le Rabotchéié Diélo, lui aussi, a naturellement reprises. L'auteur de ces lignes sait fort bien que les économistes pétersbourgeois accusaient déjà la Rabotchaia Gazéta de donner dans le «narodovolisme» (ce qui est compréhensible, si on la compare à la Rabotchaïa Mysl.) Aussi bien, nous n'avons nullement été étonnés d'apprendre d'un camarade, peu après la naissance de l'Iskra, que les social-démocrates de la ville de X. . . l'appelaient organe du «narodovolisme». Cette accusation n'avait évidemment rien que de flatteur pour nous, car quel est le social-démocrate digne de ce nom, que les économistes n'auront pas accusé de «narodovolisme»? Ces accusations proviennent d'un double malentendu. D'abord l'on connaît si mal chez nous l'histoire du mouvement révolutionnaire que toute idée concernant une organisation de combat centralisée et déclarant résolument la guerre au tsarisme, est taxée de «narodovolisme». Mais l'excellente organisation que possédaient les révolutionnaires de 1870-1880, et qui devrait nous servir de modèle à tous, n'a point été créée par les partisans de la «Narodnaïa Volia», mais par ceux de «Zemlia i Volia»58 qui se sont ensuite scindés en partisans du «Tcherny pérédiel» [Partage noir] et en narodovoltsy. Ainsi donc, voir dans une organisation révolutionnaire de combat un héritage spécifique des narodovoltsy est absurde historiquement et logiquement, car toute tendance révolutionnaire, pour peu qu'elle vise sérieusement à la lutte, ne saurait se passer d'une organisation de ce genre. Cela n'a pas été la faute, mais au contraire le grand mérite historique des narodovoltsy, de s'être efforcés de gagner tous les mécontents à leur organisation et d'orienter celle-ci vers la lutte décisive contre l'autocratie. Leur faute a été de s'appuyer sur une théorie qui, au fond, n'était nullement révolutionnaire, et de n'avoir pas su ou de n'avoir pas pu lier indissolublement leur mouvement à la lutte de classes au sein de la société capitaliste en développement. Et seule l'incompréhension la plus grossière du marxisme (ou sa «compréhension» dans l'esprit du «strouvisme») pouvait 85 amener à croire que la naissance d'un mouvement ouvrier de masse spontané nous libère de l'obligation de créer une organisation révolutionnaire aussi bonne, incomparablement meilleure même que celle de «Zemlia i Volia». Au contraire, ce mouvement nous impose précisément cette obligation, car la lutte spontanée du prolétariat ne deviendra une véritable «lutte de classe» du prolétariat que lorsqu'elle sera dirigée par une forte organisation de révolutionnaires. En second lieu, il en est beaucoup - y compris apparemment B. Kritchevski (Rab. Diélo, N° 10, p. 18) - qui interprètent faussement la polémique que les social- démocrates ont toujours faite contre la conception «conspiratrice» de la lutte politique. Nous nous sommes élevés et, bien entendu, nous nous élèverons toujours contre la limitation de la lutte politique à un complot*, mais cela ne signifie nullement, comme bien l'on pense, que nous nions la nécessité d'une forte organisation révolutionnaire. Ainsi, dans la brochure mentionnée en note, on trouve à côté de la polémique contre ceux qui voudraient ramener la lutte politique à un complot, l'esquisse d'une organisation (présentée comme l'idéal social-démocrate) assez forte pour pouvoir «afin de porter un coup décisif à l'absolutisme, recourir» et à «l'insurrection»» et à tout «autre procédé d'attaque**». A ne considérer que sa forme, cette forte organisation révolutionnaire dans un pays autocratique peut être qualifiée de «conspiratrice», car le secret lui est absolument nécessaire. Il lui est indispensable à un tel point que toutes les autres conditions (effectifs, choix des membres, leurs fonctions, etc.) doivent s'y accorder. C'est pourquoi nous serions bien naifs de craindre qu'on ne nous accuse, nous social-démocrates, de vouloir créer une organisation conspiratrice. Pareille accusation est aussi flatteuse pour tout ennemi de l'économisme, que l'accusation de «narodovolisme». Mais, nous objectera-t-on, une organisation si puissante et si strictement secrète, concentrant entre ses mains tous les fils de l'action clandestine, organisation nécessairement centralisée, peut trop facilement se lancer dans une attaque prématurée; elle peut aiguiser inconsidérément le mouvement, avant que la chose soit rendue possible et nécessaire par les progrès du mécontentement politique, par la force de l'effervescence et de l'exaspération existant dans la classe ouvrière, etc. A cela nous répondrons: Abstraitement parlant, on ne saurait évidemment nier qu'une organisation de combat puisse engager à la légère une bataille qui peut aboutir à une défaite, laquelle ne se produirait pas dans d'autres conditions. Mais il est impossible de se borner en l'occurrence à des considérations abstraites, car tout combat implique d'abstraites éventualités de défaite, et il n'est d'autre moyen de les diminuer que de se préparer systématiquement au combat. Et si l'on pose la question sur le terrain concret de la situation russe d'aujourd'hui, on arrive à cette conclusion positive qu'une organisation révolutionnaire forte est absolument nécessaire justement pour donner de la stabilité au mouvement et le prémunir contre l'éventualité d'attaques irréfléchies. Maintenant que cette organisation nous manque et que le mouvement révolutionnaire spontané fait des progrès rapides, on observe déjà deux extrêmes opposés (qui, comme de juste, «se touchent»): un économisme tout à fait inconsistant et l'attitude de prôner de la modération, ou bien un «terrorisme excitatif» non moins inconsistant, cherchant «dans un mouvement qui progresse et se fortifie, mais est encore plus près de son point de départ que de ---------- * Cf. Les tâches des social-démocrates russes, p. 21 dans la polémique avec P. Lavrov. (Œuvres, tome 2 . .N. R.) ** Les tâches des social-démocrates russes, p. 23 (Oeuvres, tome 2. N. R.) Illustration supplémentaire du fait que le Rabotcbéié Diélo ou bien ne comprend pas ce qu'il dit, ou bien change d'opinion «selon le vent». Ainsi, dans le Rabotcbéié Diélo N°1, nous voyons la phrase suivante imprimée en italique: «L'exposé de la brochure coincide entièrement avec le programme de la rédaction du Rabotchéié Diélo» (p. 142). Vraiment? Le refus d'assigner comme première tâche au mouvement de masse le renversement de l'autocratie coïnciderait avec le point de vue des Tâches? La théorie de la «lutte économique contre le patronat et le gouvernement" coïnciderait avec les Tâches? De même la théorie des stades? Au lecteur de juger de la stabilité des principes d'un organe qui comprend d'une façon aussi originale les «coincidences». 86 sa fin, à provoquer artificiellement les symptômes de la fin de ce mouvement»». (V. Zassoulitch, |
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