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1 .50 ans d’indépendance : quelle Renaissance pour les États africains ? Consultant-gestionnaire : Dangnossi Ibrahim Chercheur associé au dossier mémoire : Université des sciences et technologies du Benin dibrajex@yahoo.fr Edité le 12/09/2013 « On a trop dansé en Afrique, on a trop chanté et on a trop rigolé ...Pour cette commémoration il n’y aura ni défilé militaire pompeux, ni danses endiablées, mais un colloque. Un colloque auquel j’inviterais les représentants de tous les pays africains qui ont acquis leur indépendance en 1960 afin que l’on réfléchisse sur ce demi-siècle passé et les cinquante ans à venir », le Président Laurent Gbagbo de Côte d’Ivoire, le 31 janvier 2010. INTRODUCTION En cette année de célébration des 50 ans d’indépendance pour nombre de pays africains1, au‐delà de l’enthousiasme, c’est aussi le temps du bilan, surtout de l’introspection de ce qui est advenu de cette accession à la souveraineté internationale. Le premier constat que l’on observe est que, malgré ses multiples richesses, l’Afrique reste à la traine du développement. Aussi, si l’on peut déceler dans ses rapports déséquilibrés avec le reste du monde, notamment l’Occident, les dirigeants qui se sont succédés dans les différents pays du continent depuis les années 1960, à quelques exceptions près, ont plutôt manifesté une seule volonté, se maintenir au pouvoir contre vent et marrée dans une ambiance très souvent teintée de mauvaise gouvernance, de népotisme, de corruption, de manipulation des institutions et des règles démocratiques les plus élémentaires, qui ont permis certains d’entre eux, d’accéder au pourvoir. Parallèlement, les défis socioéconomiques se posent avec acuité et ne cessent de se complexifier chaque jour avec l’augmentation rapide de la population, notamment dans les centres urbains2 : plus de 2/3 de la population urbaine vivent dans un habitat précaire (72 %) sans services essentiels (seulement 36 % de la population disposent d’un système d’assainissement ; 44 % ont accès à une eau potable) ; 54 % de la population est jeune (moins de 20 ans) et 46 % vivent dans l’extrême pauvreté avec moins de 1 $ US/jour. Au chapitre sanitaire, la situation n’est guère reluisante. La pandémie du Sida continue de faire des ravages sur le continent, dont les enfants et les femmes sont plus exposés (70 % des 40 millions de personnes infectées par le VIH dans le monde vivent en Afrique). Outre le Sida, la mortalité maternelle et infantile reste plus élevée en Afrique que partout au monde (916 femmes perdent la vie pour 100 000 naissances ; 30 000 enfants meurent chaque jour avant d’atteindre leur cinquième anniversaire); alors que le paludisme reste encore la première cause de mortalité sur le continent, détruisant des familles entières, auquel s’ajoute la poliomyélite, le choléra, la méningite, la bilharziose, etc., et la sous‐alimentation reste une équation insoluble (30 % de la population) 1 En 1960, 17 pays francophones accèdent à la souveraineté internationale vis-à-vis de la métropole coloniale, la France. Toutefois, auparavant, certains pays, notamment anglophones, avaient recouvré leur indépendance : Soudan, Égypte Maroc, 1956, Ghana 1958… 2 Avec 4 % de croissance annuelle, en 2000 la population urbaine du continent était estimée à 34,3 %, contre 23,3 % en 1980 et elle devra être de 46,2 % en 2020. À cette date, 37 % des Africains vivront dans une ville millionnaire, contre 22 % en 1990 et seulement 4 % en 1960. 2 enfants de moins de 5 ans sont malnutris, 40 % de la population survivent sous la menace d’une crise alimentaire)3 et la gestion des catastrophes naturelles un casse‐tête (glissements de terrain en Ouganda, inondations en Afrique de l’Ouest…). L’objet ici, n’est pas de mettre en cause l’héritage historique et culturel, ni de le piétiner comme un vulgaire papier à mouchoir après usage. Les valeureux et courageux ancêtres qui ont légué une richesse inestimable, tant du point de vue social, culturel et même philosophique, méritent un hommage mérité. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue le contexte actuel dans lequel l’Afrique et les Africains se débattent aujourd’hui et dans lequel vivront demain, les enfants d’Afrique. Ainsi, la vraie question n’est‐elle pas alors, comment faire en sorte que la situation de sous‐développement endémique dans laquelle vit l’écrasante majorité des peuples du continent et son corolaire de maux qui gangrènent leur quotidien et hypothèquent leur avenir, soit dépassée ? Comment faire en sorte que cette situation déplorable qui pousse des milliers de ses fils et filles valides à vers un exode suicidaire en bravant les dangers de la mer ou du désert pour une hypothétique meilleure condition de vie ? Or dans toutes les ressources rares et convoitées, l’Afrique fait figure de pool position ou au moins dans les dix premiers (cuivre, fer, or, cobalt, manganèse, phosphates, etc.). En outre, l’Afrique est aujourd’hui, le continent le mieux aidé (34 $ US par capital contre 4 pour l’Asie du Sud Est et le Pacifique, selon la Banque Mondiale). À partir de là, regardons froidement la réalité à travers un diagnostic rationnel des actes et comportements que posent les Africains comme leur participation « au rendez‐vous du donné et du recevoir » selon l’expression du Président Senghor. I. QUELLE GOUVERNANCE POLITIQUE EN AFRIQUE ? 1. 1. Pour quelle gouvernance ? 1960‐2010, cinquante ans de sueur, de larmes et de sang. Cinq décennies, un demi‐siècle d’indépendance est certes, un moment important pour plusieurs pays du continent, donc normal pour magnifier cet événement historique. Ainsi, des centaines de milliards FCFA sont mobilisés4 (dont une partie est allouée par les anciennes métropoles) serviront à marquer les « réjouissances ». Or aucun Africain n’ignore que l’ambiance sur le continent n’est pas à la fête, tant les défis restent énormes. Certes, l’accession des États africains à la souveraineté internationale, même si elle a été offerte pour la plupart, elle n’a pas été facilement obtenue. Elle a été une issue de luttes multiformes et de sacrifices d’hommes et de femmes de valeurs, pendant de très longues années. Ainsi, les premières années des « indépendances », sont marquées par des figures emblématiques, imbues de vraies valeurs panafricanistes, d’idées d’indépendance totale et de projets viables pour une Afrique unie et prospère : de Mamadou Dia à Nkwame Nkrumah en passant par Patrice Lumumba, Amilcar Cabral, Thomas Sankara entre autres. Malheureusement, ils ont tous, été éliminés, très souvent avec la complicité de l’ancienne puissance colonisatrice dans des conditions rocambolesques (la parenthèse de Bob Dinard sur le continent en témoigne de cette page noire). Or chacun de ces hommes et femmes avait posé des actes fondateurs qui ouvraient la voie à une vraie indépendance pour une Africaine unie et solidaire. Depuis, le sang n’a cessé de couler et continue encore de couler 3 World Development Indicators, World Bank, 2006. 4 Au Sénégal le budget de cette commémoration s’élève à 1,5 milliard F CFA, dont 800 millions F CFA pour le comité d’organisation. 3 partout sur le continent : au Darfour, au Tchad, en passant par la Centrafrique, l’Ouganda, le Niger, en RDC, en Casamance, dans les rues de Mogadiscio, au Zimbabwe, etc. Les élections sont violemment contestées au Togo, au Kenya, au Gabon... Les coups d’État se succèdent en Guinée‐Bissau, aux Îles Comores, au Niger en Mauritanie... La Guinée Conakry, la Côte d’Ivoire… s’enlisent pour l’organisation d’élections libres, transparentes et démocratiques. Le Liberia, la Sierra Leone, l’Angola, le Burundi, le Rwanda, la République Démocratique du Congo, le Congo, la Centrafrique, l’Ouganda, le Zimbabwe, le Tchad… conservent encore les stigmates de plusieurs décennies de guerre civile et de génocide et vivent dans une fragilité manifeste. Par ailleurs, d’autres qui ont incarné l’espoir un moment ont fini par présenter leur vraie nature dictatoriale et monarchique. Par exemple, à l’issue de l’alternance historique intervenue le 19 mars 2000, le Président Wade du Sénégal avait déclaré que « le pays a besoin du génie de ses fils, où qu'ils se trouvent, pour l’aider à construire ce qui a été détruit par quarante années de gâchis »5. Ainsi, de nombreux cadres de la diaspora avaient quitté leur travail pour répondre à cet appel patriotique. Ce qui est advenu de l’exercice de son pouvoir n’encourage pas d’autres à imiter les premiers. De l’engouement suscité au départ, il ne reste que désarroi pour la majorité de son peuple6. Le cas du Président sénégalais est un cas d’école pour toute l’Afrique. À son arrivée au pouvoir, il prétendait, être le président le mieux élu de la planète, sinon de toute l’Afrique, qu’il ne se sentait aucunement lié à aucun « club de chef d’État », se présentant même, comme un pourfendeur des complaisances de certaines de ses paires qui se mêlassent dans un laxisme cynique contre leur peuple. Toute l’Afrique avait applaudi des deux mains, en se disait enfin, avoir trouvé le leader idéal et soucieux des aspirations de son peuple et digne de la représenter. Avec ses idées novatrices, il avait laissé planer l’idée d’une rupture d’avec ce que les présidents africains avaient habitué leurs peuples, jusque‐là. Son aura a eu des échos partout à travers le monde, même dans les Assemblées les plus prestigieuses (Davos, G8, etc.). Ainsi, devant l’océan de désespoirs, voilà enfin quelqu’un qui symbolisait l’espoir, qui émergeait du lot et qui, certainement fera tâche d’huile sur les autres pays du continent. Même les partenaires qui se résignaient dans l’afro pessimisme, trouvaient par‐là, des raisons de croire à un sursaut. Les idées et les idéologies, selon qui « l’Afrique n’était pas mûre pour la démocratie » et qui voudraient faire de l’Afrique un « cancer » de la planète et les Africains des « sacs à virus » pour l’humanité, trouvaient par‐là une réponse à la mesure de l’affront. Dans ce prolongement, pour la première fois (hormis le cas du Président Rwandais sur une autre question), un pays africain osait répondre par la réciprocité en expulsant des ressortissants français en réponse à la politique français des charters. Ces positions courageuses ont été saluées partout en Afrique et dans la diaspora. Mais les actes posés ces dernières années en matière de gestion du pouvoir ont démontré tout le contraire de ce que cet homme afirmait partout haut et fort. Par exemple, en tant qu’un des pairs fondateurs du NEPAD, le Président Wade qui s’est ouvert au Mécanisme d’Évaluation des Pairs (MEAP) depuis 2003, refuse à ce jour d’accueillir la mission d’évaluation. Le Président Wade qui s’est révélé parmi les défenseurs les plus acharnés du NEPAD se présente aussi parmi ses plus grands pourfendeurs. Combien d’intellectuels africains ont eu à subi ses foudres 5 Restrictions des libertés démocratiques, dérives autoritaires, gestion patrimoniale du pouvoir, manipulation des institutions et de la Constitution, corruption à grande échelle... 6 Le même discours a été tenu par le Président Kibabi du Kenya à son arrivée au pouvoir en 2003, là aussi, l’exercice du pouvoir a conduit à des dérives, notamment aux émeutes électorales du printemps 2008. 4 lorsqu’ils ont osé, avoir une position critique vis‐à‐vis de ce plan sensé sortir l’Afrique de l’isolement et la mettre enfin, sur la voie du développement ? Il avait même nommé un ministre chargé du NEPAD. Ainsi, le Président Wade a fini par démontrer à la face du monde que rien ne le différencie des autres chefs d’État africains, qui ont habitué l’opinion, depuis les indépendances, à une gestion laxiste, clientéliste, teinté de népotisme, de corruption, de mal gouvernance, de « pouvoirisme » très souvent ensanglanté. 1. 2. Le retour des coups d'État Si dans les années 1990, on a remarqué une régression des coups d’État, des rébellions, des guerres interétatiques ou internes sur le continent, depuis quelques années on note un retour marqué des coups d’État, notamment dans la partie occidentale du continent7. Après le Discours de François Mitterrand à La Baule en 1989, le vent de démocratisation avait suscité l’espoir, et dans la foulée, l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), qui deviendra en 2002, Union Africaine (UA) proscrit, lors du Sommet d’Alger en juillet 1999, les « coups d’État ». Mais, ce que l’on constate c’est que les coups d’État militaires reviennent au goût du jour en Afrique, et de plus en plus avec le soutien moral des populations. Ce fut le cas au Niger, au lendemain du putsch du 18 février 2010 contre le Président Mamadou Tandja, en Mauritanie en 2006 avec la chute de Malouya, en Guinée lors de l'arrivée au pouvoir du capitaine Moussa Dadis Camara, en décembre 20088. À Madagascar, un chef de l'État démocratiquement élu, Marc Ravalomanana, a été chassé du pouvoir par l'armée avec le soutien de l'opinion. S’il ne faut pas manifester un enthousiasme débordant en vis‐à‐vis de ces phénomènes, néanmoins, il faut toutefois reconnaitre que ces scènes de liesse traduisent un malaise profond en matière de gouvernance politique sur l continent. Ainsi, l'ère des coups d'État qui paraissait révolue est bel et bien de retour sur le continent africain. Et contrairement au passé, dans la plupart des cas, ils recueillent l'assentiment d'une grande partie de l'opinion publique. N’y a‐t‐il pas lieu de s’interroger sur comment a‐t‐on pu en arriver là, alors que depuis la fin des années 1980, le mouvement de démocratisation semblait irréversible sur le continent ? La raison est que les leaders et les élites politiques africains sont devenus les véritables sources d'instabilité dans leurs ays, par leur violation récurrente des normes élémentaires de l'État de droit, par l'instrumentalisation de la Constitution et leur volonté cynique d'imposer à leur pays une succession dynastique. C’est là les véritables causes du retour des coups d'État militaires certainement, alors que d’autres chefs s'assurent de la loyauté et du soutien des forces armées pour se pérenniser au pouvoir. Ainsi, si certains pays commençaient à sortir des ténèbres, par contre d'autres sombrent dans de nouvelles crises interminables résultantes de processus autocratiques, notamment avec de l’organisation de simulacres élections, qui ne sont démocratiques que de nom, dans lesquelles, « le parti unique » au pouvoir, s’attribue un score confortable et attribue celui de ses opposants, selon leur degré de malléabilité (Gabon, Togo…). Ce qui ne aboutie à une instabilité chronique et compromet toute initiative de développement économique. 7 Depuis les indépendances, il y a eu sur le continent plus de 70 coups d’État militaire. 8 Avant qu’une folie meurtrière ne s’empare du régime avec le massacre, le 28 septembre 2009, des dizaines d'opposants lors d’une manifestation pacifique à Conakry. 5 |
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