Fiche Histoire des Arts : un mythe modernisé
Domaine de compétence : Arts, ruptures et continuités
Thématique : les arts et les évolutions de la société
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| Titre de l'œuvre : Antigone
Auteur : Jean Anouilh
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| L'œuvre
| Informations
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| Antigone : Pourquoi veux-tu me faire taire ? Parce que tu sais que j’ai raison ? Tu crois que je ne lis pas dans tes yeux que tu le sais ? Tu sais que j’ai raison, mais tu ne l’avoueras jamais parce que tu es en train de défendre ton bonheur en ce moment comme un os. Créon : Le tien et le mien, oui, imbécile ! Antigone : Vous me dégoûtez tous avec votre bonheur ! Avec votre vie qu’il faut aimer coûte que coûte. On dirait des chiens qui lèchent tout ce qu’ils trouvent. Et cette petite chance pour tous les jours, si on n’est pas trop exigeant. Moi, je veux tout, tout de suite, - et que ce soit entier – ou alors je refuse ! Je ne veux pas être modeste, moi, et me contenter d’un petit morceau si j’ai été bien sage. Je veux être sûre de tout aujourd’hui et que cela soit aussi beau que quand j’étais petite – ou mourir. Antigone, J. Anouilh, Ed. de la Table ronde (p.94-95), 1946
| Nature de l'œuvre : tragédie
Date de réalisation : 1942
Date de 1° représentation : 1944
Sujet (contexte historique) :
Antigone est une pièce des années noires, lorsque la France connaît la défaite face aux armées nazies et l’Occupation.
Anouilh ne cesse d’écrire pendant cette période. Mais dans ce climat troublé, il se sent décalé, à l’écart, et refuse d’afficher une opinion tranchée.
Antigone est inspirée de la tragédie grecque Antigone, de Sophocle (V° siècle avant JC).
Lors de sa 1° représentation en 1944, la pièce connaît le succès, mais avec un parfum de scandale. Dans le contexte de la fin de la guerre, la pièce est récupérée ou accusée par tous les bords.
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| Analyse de l'œuvre
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| Anouilh s’inspire directement de la tragédie de Sophocle : les faits et l’intrigue sont les mêmes, certaines scènes ressemblent à leur ancêtre grec (la conversation entre les sœurs, le récit du garde, la venue finale du messager). Mais il la modernise : anachronismes, désacralisation du héros qui sont les membres d’une humanité ordinaire, surtout absence de transcendance et de religion (l’homme se retrouve seul face à ses responsabilités) et politisation du mythe (certains ont vu dans la pièce un éloge du régime de Vichy et de la collaboration, d’autres ont retrouvé en Antigone l’emblème de la résistance).
Le mythe antique est donc modernisé, et l’interprétation de la pièce s’en trouve complètement changée : la tragédie antique proposait des idées sur les rapports de l’homme et du destin, de la justice et de l’ordre divins, de l’individu et de la cité. La pièce d’Anouilh se situe davantage sur un terrain philosophique et moral. Le conflit qui oppose Antigone à Créon est universel et définit deux attitudes devant l’existence : ou bien on accepte la vie telle qu’elle est, avec son lot de satisfactions et de désillusions, ou bien on refuse la mesquine réalité et les compromissions au nom d’un rêve d’idéal et d’absolu. La liberté est laissée au spectateur : Antigone et Créon adoptent chacun à la fin la vision de l’autre, ni l’un ni l’autre n’est porteur d’un message universel (Antigone est morte, Créon attend la mort).
Le mythe d’Antigone connaît donc une fortune littéraire exceptionnelle : de l’Antiquité à nos jours, selon les auteurs, Antigone est tour à tour un modèle de piété familiale et religieuse, une anarchiste en révolte contre l’aristocratie, une éternelle rebelle…Au théâtre, par exemple, son histoire a été reprise dans La Thébaïde (XVII° siècle) de Jean Racine (l’auteur reprend l’histoire des frères ennemis, mais Antigone n’est pas l’héroïne), Antigone (1922) de J. Cocteau (l’esprit tragique de Sophocle s’y retrouve), Antigone (1948) de B. Brecht (pièce très éloignée du modèle antique, le dramaturge veut souligner le lien entre la chute du III° Reich et la situation d’Antigone qui est une femme ordinaire que les circonstances poussent, trop tard, à résister au pouvoir tyrannique).
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L'artiste
| Jean Anouilh (1910 – 1987) est un écrivain et dramaturge français. A partir de 1921, il vit à Paris. Il est pris très tôt de passion pour l’écriture théâtrale, et, de son propre aveu, le choc décisif vient d’une représentation en 1928 de Siegfried, de Jean Giraudoux. Son œuvre théâtrale commencée en 1932 est particulièrement abondante et variée. Il connaît un succès triomphal en 1938 avec Le Bal des voleurs : il devient alors une figure parisienne, un auteur à la mode.
Anouilh a lui-même organisé ses œuvres en séries thématiques, faisant alterner d'abord « Pièces roses » (comédies marquées par la fantaisie comme Le Bal des voleurs) et « Pièces noires » (qui montrent dans la gravité l'affrontement des « héros » entourés de gens ordinaires, en prenant souvent appui sur des mythes comme Eurydice (1942), Antigone (1944) ou Médée (1946)), puis, plus tard, les « Pièces grinçantes » (comédies satiriques - Pauvre Bitos ou le Dîner de têtes,1956). Le dramaturge a continué dans le même temps à servir le genre de la comédie dans de nombreuses pièces où il mêle farce et ironie (par exemple Les Poissons rouges ou Mon père ce héros, 1970) jusque dans les dernières années de sa vie.
| Quelles matières ont traité l'œuvre : français
| Liens avec : autres dramaturges (de différentes époques), dramaturgie (mise en scène, spectacle vivant…)
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