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Regards critiques sur quelques (r)évolutions récentes du droit Les travaux de l’IFR Mutation des Normes Juridiques n° 2 Regards critiques sur quelques (r)évolutions récentes du droit Tome 1 BILANS Sommaire Tome 1 : Bilans
Tome 2 : Réformes-Révolutions
Avant-Propos Jacques KRYNEN, professeur d’histoire du droit Centre Toulousain d’Histoire du Droit et des Idées Politiques (EA 789) Président de l’IFR Maryvonne HECQUARD-THERON, professeur de droit public Equipe Théorie des Actes et du Contrôle des Institutions Publiques (EA 786) Directeur de l’IFR Il n’est déjà pas rassurant que le droit soit flexible. Peut-on sans inquiétude admettre qu’il soit changeant ? La mutation des normes juridiques ne va pas de soi. Les coutumes sont forgées par le temps, les lois sont faites pour durer. Théologiens, philosophes, jurisconsultes, tous les grands esprits qui ont pensé le droit ont martelé cette conviction qu’il entre dans sa vocation de sécréter des normes durables. Son propre mouvement historique l’illustre aussi bien. A Athènes, le peuple législateur traque les manœuvres préjudiciables aux nomoï, à Locre, rapporte Démosthène, quiconque propose une nouvelle loi “le fait la corde au cou”. A Rome, les leges de la jeune République sont gravées sur des tables de bronze, plus tard, celles des empereurs chrétiens sont dites “très sacrées”. Dès la fin du Moyen Age, princes et rois prétendent légiférer par ordonnances “perpétuelles et irrévocables”. Et notre Code civil, sage transaction entre le droit écrit et les coutumes, de figurer “une espèce d’Arche sainte”, un “immortel ouvrage”, une “bible juridique”. De cet idéal antique-moderne de stabilité normative, on sait ce qu’il est advenu passé le temps des grandes codifications. Phénomène le plus visible, l’instrumentalisation de la fonction législative. Pressé par la revendication sociale et les nouvelles doctrines politiques, le législateur fut vite mis en demeure de satisfaire les intérêts catégoriels et les aspirations conjoncturelles ou partisanes. Alors la loi, plutôt que de “fixer par de grandes vues les maximes générales du droit, d’établir des principes féconds en conséquence…”, de s’atteler aux cas et aux conflits particuliers, urgents, douloureux. Et dans l’Etat-providence la prolifération des textes réglementaires de s’ajouter à l’inflation législative. Dès le XIXe siècle encore, à rebours du rêve légicentriste de nos révolutionnaires, le plus discret mais inexorable retour en force de la jurisprudence, s’inscrivant de nouveau parmi les sources du droit, phénomène bien propice sous le regard de la doctrine à l’émancipation rapide de nouvelles disciplines juridiques, le droit administratif, le droit commercial, le droit du travail, le droit des assurances, aujourd’hui celui de l’environnement, de la santé, de la propriété intellectuelle ou des technologies… Enfin, c’est une révolution, la théorie puis l’avènement au XXe siècle de l’Etat de droit, national et européen. Dans ce système, la loi autrefois souveraine devient norme subordonnée, à la constitution, aux traités internationaux, au droit communautaire, aux droits “fondamentaux”. Et la garde de cet Etat de droit, de la hiérarchie et de la délicate interprétation de ses normes multiples d’incomber, nolens volens, aux juges de tout acabit. Le Juge, nouvelle figure de proue de la démocratie. Plus que jamais protéiforme, parfois même livré à des “autorités indépendantes” (Hauts comités, Conseils, Chambres…), voici le droit contemporain chroniquement sujet au changement. Les juristes universitaires, plus encore que les praticiens, l’éprouvent tous les jours, avec ce sentiment d’enseigner ou d’écrire sur des sables mouvants. Il était donc bien naturel que l’Institut fédératif de recherche créé en 2003 au sein de la Faculté de droit de l’Université Toulouse I affiche pour préoccupation centrale la “mutation des normes juridiques”. Une telle dénomination n’étonnera pas le professionnel, il la trouvera même banale, mais, à l’heure de la “lisibilité” des activités universitaires elle attirera peut-être l’attention de ceux qui, dans les sphères de l’enseignement supérieur et de la Recherche, victimes d’un préjugé classique, présupposent le conservatisme des juristes, n’imaginent pas en tout cas que le droit soit une discipline vivante, se mouvant elle aussi, comme les sciences dites “dures”, entre recherche et application. Si, à l’instar de grands établissements scientifiques, la Faculté de droit de Toulouse a créé un IFR, c’est qu’elle accueille 130 professeurs et maîtres de conférences, une cinquantaine d’Attachés temporaires d’enseignement et de recherche, qu’elle est dotée de deux écoles doctorales et de 13 équipes de recherches. C’est aussi parce qu’à l’encontre des clivages anciens entre le droit privé, le droit public, l’histoire du droit, eux-mêmes de plus en plus sectorisés, il convenait d’y promouvoir le traitement collectif et périodique de problématiques nouvelles, ou de thématiques transversales, intéressant l’actualité dans ce qu’elle présente de plus complexe et (ou) de plus controversé : “Le droit saisi par la morale”, “L’imprégnation du droit communautaire par le droit français”, actuellement en chantier, en sont quelques illustrations, tout comme “La légitimité des juges” (Presses de l’Université des sciences sociales, 2004, coll. des Travaux de l’IFR, n°1, 214 p.) examinée en octobre 2003 lors de journées marquées par la participation à parité de grands praticiens de la justice. Cet IFR, on l’aura compris, souhaite devenir un observatoire des transformations du droit contemporain, son ambition est même, par la complémentarité des apports et des approches, par la collaboration aussi des professionnels concernés par ses travaux, d’imposer à terme notre université comme un pôle de référence au sein de la recherche juridique nationale, voire internationale. Le présent ouvrage, rassemblant 33 contributions (30 individuelles, 3 par équipes) laisse présager la forte capacité de mobilisation des chercheurs-juristes de l’Université Toulouse I. Faisant suite à la proposition, en quelque sorte inaugurale, de rendre compte chacun dans son domaine de spécialité de l’une ou l’autre mutation juridique de ces 20-30 dernières années, on ne s’attendra pas à ce qu’il fournisse des réflexions croisées, on en appréciera plutôt la spontanéité et la tonalité critique. La première donne à voir le bouillonnement de la recherche à la Faculté de droit toulousaine, la seconde la liberté d’esprit de ses acteurs. Il faut bien admettre que les plus grands “enfants du texte” sont les juristes, les universitaires au premier rang. Mais on le verra ici : qu’ils dressent des bilans (I), qu’ils jugent des réformes ou qu’ils pointent quelques révolutions (II), leur indiscipline est de rigueur. La mutation de la production de la norme en droit privé : d’une concurrence à une collaboration des producteurs de la norme Céline castets-RENARD, maître de conférences de droit privé Centre de Philosophie et de Théorie Générale du Droit Ces trente dernières années ont vu apparaître de nouvelles façons de produire la règle de droit. Le modèle traditionnel de la production de la norme en droit français est légaliste. La loi trouve d’abord son autorité indiscutable dans son origine divine, puis à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle dans l’expression de la loi naturelle, enfin comme nouveau mode d’expression politique1. Une première brèche à cette conception a été portée par la Constitution du 4 octobre 1958. Pour la première fois dans l’histoire française depuis 1789, le législateur voit les matières de son domaine d’activité limitativement énumérées par l’article 34, alors qu’à l’inverse, la compétence réglementaire devient de principe à l’article 37. À cette première restriction institutionnelle, une deuxième limite plus ancienne et plus insidieuse car non officielle, provient des juges et de leur rôle dans la création de normes jurisprudentielles. Enfin la prééminence de la loi est attaquée par l’apparition de normes supérieures. La loi, archétype de la norme, émanation du Parlement, n’est plus le seul modèle de la règle de conduite des hommes en société. De nouveaux acteurs élaborent des règles permanentes, générales, abstraites et obligatoires2 et participent à la création normative au sens matériel. Les sources du droit se diversifient3. La loi en sort fragilisée et à l’heure du bicentenaire du Code civil, on peut se demander quelle place lui reste-t-il. Si d’aucuns considèrent que le Code civil a encore de beaux jours devant lui4, nul doute qu’il ne puisse s’épanouir en vase clos à l’avenir5. À lui seul, le débat sur l’opportunité d’un Code civil européen montre pour le moins qu’il n’est plus possible d’appréhender la loi nationale isolément. Le pluralisme des normes pose alors la question de leur légitimité, en lien avec la qualité de leur créateur, et surtout de leur compatibilité avec la loi nationale. La pluralité engendre la disparité des solutions et met en concurrence les producteurs de normes. Mais si ces rivalités ont été le premier réflexe de défense des producteurs de normes, il semble que l’affrontement s’apaise6. Prenant sans doute acte d’un pluralisme désormais bien installé, force est bien d’admettre ce qui est décidé par d’autres acteurs, sous peine de voir les normes se contredire ou pire s’annuler. Le choc des normes, conséquence d’une création d’origine multiple, peut de plus en plus être évité par la collaboration7 des producteurs normatifs. Il apparaît même que ces dernières années soient marquées par la recherche d’une entente entre les producteurs, dans un souci de faciliter leurs rapports, de crédibiliser la norme et d’en assurer le respect. Il importe peu que cette coopération ne soit pas encore systématique ou bien qu’elle soit parfois forcée. L’essentiel est d’en constater quelques manifestations non exhaustives, à différents niveaux de la hiérarchie des normes, pour y voir sans doute une nouvelle façon de créer la norme, en commun. Si le constat de ces dernières années est celui de la concurrence des producteurs de la norme (I), l’émergence d’une collaboration des producteurs de la norme (II) caractérise de plus en plus la production de la norme, en pleine mutation. |
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