Le travail médico-psychologique contemporain L’évolution des cadres de prise en charge des enfants en difficulté psychique a considérablement évolué depuis une vingtaine d’années. Ce qui semblait relativement simple dans le contexte de l’après-Libération, époque de la création des CMPP, puis celui des années 1975, création des intersecteurs (inter signifie ici mise en réseau), s’est progressivement complexifié, surtout depuis les derniers aménagements législatifs (loi du 2 janvier 2002 dite « démarche qualité », loi du 11 février 2005 dite « de l’égalité des chances » traitant du handicap). L’évolution se fait vers une formalisation renforcée des pratiques professionnelles dans les établissements médico-sociaux avec un renforcement du droit des usagers, une sécurisation des interventions, une transparence du fonctionnement, une astreinte épidémiologique perçue comme nouvelle contrainte. L’objectif du législateur a été, clairement, une meilleure professionnalisation des pratiques en vue d’un travail en réseau intensifié. Ceci est la dimension sociologique de l’évolution.
Dans le même temps, une évolution importante est aussi advenue dans le champ scientifique et la tradition analytique originelle du secteur pédo-psychiatrique français est entrée en concurrence avec de nouveaux paradigmes anglo-saxons qui ont des prolongements précis dans la culture en générale, c’est-à-dire la position des parents, mais aussi dans les pratiques de soins en particulier : « Le médecin scolaire nous envoie pour l’orthophonie. On ne veut pas qu’il voit un psychologue ». Constructivisme et neuro-cognitivisme s’imposent comme de nouveaux modèles de référence, à partir des centres du même nom (Centres Référents créés en 2001 pour le dépistage et la prise en charge des troubles spécifiques du langage et des apprentissages scolaires). Nous reviendrons sur ce mot « spécifique » à l’origine de nombreux malentendus.
Autre facteur déstabilisant pour la communauté psychanalytique, les « freudian wars »1 2 sont arrivées en Fance, offensive anti-freudienne dont le toulousain Jacques Benesteau3 s’est fait le hérault avant que Michel Omfray4 ne monte sur ce créneau porteur. C’est le statut scientifique de la psychanalyse qui est ici contesté.
Tous ces changements, scientifiques, sociologiques, épistémologiques, culturels ont un impact direct sur la pratique des professionnels des soins intervenant auprès des enfants : la pluridisciplinarité est élargie à des champs méconnus des psychanalystes (la neuropsychologie), la pression administrative est renforcée, l’obligation épidémiologique (les statistiques, les bases de données) est nouvelle. Ainsi, le partenariat, le travail en réseau des équipes ou des intervenants libéraux est devenu un poste en soi dans le travail quotidien (rédaction des écrits).
Dans ce contexte mouvant, il devient plus difficile aux psychanalystes d’affirmer leur identité, leur scientificité, leur exigence d’une élaboration continue au plus près de la clinique, au plus près des besoins de chaque enfant et de sa famille. C’est de cette complexité ambiante que nous allons parler. Nous n’aborderons pas ici le débat sur la scientificité de la psychanalyse, traité par ailleurs. Par contre, nous identifierons avec précision où est, dans ce contexte, la spécificité du travail analytique.
Notre démarche sera d’abord d’évoquer le refoulement et la période de latence, période essentielle pour comprendre l’investissement de la connaissance par l’enfant, puis la théorie freudienne et post-freudienne de la connaisance. Nous aborderons ensuite la théorie neurocognitiviste de la connaissance et son application pratique, la neuropsychologie. Puis nous évoquerons Edgar Morin et son concept de « pensée complexe » qui permet d’imaginer les pratiques de demain. Enfin, nous concluerons par l’identité du psychanalyste et la spécificité du travail analytique dans cet univers devenu complexe de la prise en charge de l’enfant en difficulté psychique dans son développement.
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