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Albert-Marie Guye (Nicolas SYLVAIN) CŒUR SANS FRONTIÈRE Proses diverses et poésies Avec la participation exceptionnelle de : Teresinka Pereira To my readers without border… ISBN 2-9516161-7-1 Dépôt légal de la première édition : 4ème trimestre 2007 ![]() 3 LE MIRACLE DU BOIS MORT à Marie-Thérèse Dubler Au travers des carreaux fendus constellés de mille arabesques par le gel de Décembre, un rayon de soleil pénétrait dans la cuisine, et sa caresse à peine tiède effleurait les cheveux blonds de la fillette. Assise à la table, un châle troué sur les épaules, la petite lisait. Depuis la chambre dont la porte demeurait ouverte en permanence, une voix sans force appela :
La gamine repoussa son livre et se leva en rejetant ses nattes d’un revers de main. Elle entra dans la pièce où le papier, naguère peint de lys bleus, se décollait par lambeaux.
Dans le lit-cage au-dessus duquel une mauvaise peinture à l’huile esquissait l’hiver, une jeune femme respirait bruyamment. Des volutes de buée filtraient entre ses lèvres pâles. Deux longues tresses d’or encadraient son visage amaigri, aux joues et aux pommettes enflammées par la fièvre. Elle murmura 4 dans un souffle :
Faisant mine de ne pas avoir entendu, la mère poursuivit :
Kattle courut vers une commode basse à trois tiroirs sombres. Elle en ouvrit le premier qui gémit en laissant s’évanouir une odeur de naphtaline et de vieille eau de Cologne. Sous un tas de chiffons, elle découvrit un porte-monnaie tout noir en cuir craquelé. Avec peine, la pauvre femme rehaussa son oreiller, prit le désolant butin que lui tendait sa fille et se mit à compter les pièces :
La petite, qui ne se nourrissait plus que d’une soupe d’eau froide salée lâchement épaissie d’un croûton de vieux pain écrasé répondit :
Puis, essayant de mentir à peu près :
Kattle se souvint alors de sa mère posant le dernier bocal sur la table, c’était la semaine dernière, elle avait même ajouté :
Prise en faute, Kattle baissa la tête en mordillant une de ses nattes.
Kattle vint s’asseoir sur le lit, les lèvres contractées par une moue de menue bonne femme. Liesel Meyer se mit à contempler son enfant : le Grand Architecte de l’Univers avait tracé sa bouche d’un mince coup de crayon, et laissé choir deux gouttes d’azur au fond de la prunelle de ses yeux vifs. Mais qu’advenait-il de cette joie de vivre qui fleurissait naguère sur son visage en corolle de hardiesse ? A force de privations et malgré ses dix ans, Kattle perdait l’insouciante gaieté de l’enfance. Liesel poursuivit :
Kattle détourna son regard des yeux enfiévrés de sa mère ; chez les voisins, elle y était allée avant-hier, ils l’avaient menacée de la battre si elle osait revenir… Liesel insista :
Comme la petite ne réagissait pas, Liesel lui tapota la joue :
Kattle sentit son cœur se serrer. Elle se souvint des Saint-Nicolas passées à Schiltigheim. La veille au soir, elle plaçait ses souliers près de la porte, et le lendemain matin elle les retrouvait enfouis sous les cadeaux qu’elle déballait, les doigts empêtrés dans les rubans multicolores. Et puis, en ville dès le début de décembre, les vitrines des pâtisseries montraient des Saint Nicolas de toutes les tailles, en pain d’épices, en chocolat ou en massepain. Dans certaines communes, le dimanche qui suivait le 6 décembre, Saint Nicolas parcourait les rues en calèche ou en vieille guimbarde, et distribuait des bonbons offerts par les commerçants ; déjà quatre ans de cela ! Kattle fixait sa mère d’un regard triste. Liesel lui dit tendrement :
Elle tira de dessous son oreille une sorte de pantin, et elle le lui tendit radieuse. Kattle demeura muette devant cette poupée hâtive, faite de toile à matelas, sans pieds ni mains, avec des oreilles de chat, deux boutons à la place des yeux et une touffe de crin en guise de chevelure. La fillette repensa aux poupées du magasin de madame Ziegelmeyer, des poupées aux cheveux d’or vêtues en paysannes de l’ancien temps. Déçue et prête à pleurer, soudain elle revit sa mère lui réclamer du fil et des aiguilles. Un autre jour, alors qu’elle entrait dans la chambre, elle l’avait surprise à dissimuler quelque chose sous ses couvertures. Au bord des larmes Kattle se ressaisit :
Puis elle se jeta dans les bras de sa mère :
Malgré le feu qui lui rongeait la poitrine, la jeune femme se mit à fredonner d’une voix faible et cassée :
Mais soudain l’air lui manqua. Elle haleta entre deux sanglots.
Kattle enfouit sa tête contre la gorge brûlante de sa mère et lui caressa les cheveux.
Dans un souffle de tendresse, la jeune femme murmura encore :
Les yeux de Liesel se noyèrent un instant dans ceux de sa fille, en une de ces communions sublimes qui font trouver si beaux les yeux de l’être aimé. Elle poursuivit, toujours essoufflée :
Le visage de Kattle s’éclaira tout à coup et elle s’écria :
Kattle saisit une couverture dont elle s’entoura les épaules, baisa le front de sa mère et lui dit :
Avant de sortir, la fillette s’arrêta devant le calendrier suspendu sur la porte de la cuisine donnant dehors et prononça tout bas :
Kattle traversa le village sans glisser par jeu sur le verglas rendu éblouissant par le soleil qui commençait à regagner la crête de la montagne. La lumière des rayons jaunes formait une auréole autour de la silhouette de la petite. Il faisait froid cet après-midi, comme cette veille de Saint Nicolas 1938 à Schiltigheim. Kattle se promenait dans le grand parc de la Roseraie. Atteint d’un mal incurable, François Meyer marchait au bras de Liesel. Ils s’étaient arrêtés près du chêne séculaire. Dans une plate-bande poussait des roses de Noël. François en cueillit une et dit :
Il effeuillait les pétales et les jetait à ses pieds. Quand il ne resta plus que le cœur de la rose, il le laissa tomber sur le sol enneigé et soupira : -…et puis un jour enfin tout se brise… Kattle était restée songeuse. A côté du chêne séculaire rendu ombrageux par le déclin du jour, qu’elle paraissait frêle et sans défense cette petite famille dont l’une des mailles n’allait pas tarder à se rompre ! Une semaine après la promenade dans le parc de la Roseraie, François Meyer quittait le monde des humains. Privée de la paye de contremaître-tonnelier de son mari, Liesel s’enfuit d’Alsace après maints déboires, et décida de s’installer dans la maison héritée de l’oncle jurassien. Distraite par le souvenir de son enfance, Kattle atteignait machinalement la dernière ferme du village, lorsqu’un Allemand qui sortait, avec sous le bras un énorme jambon fumé au genièvre, s’avança sur elle d’une démarche incertaine. A un pas de la fillette, l’homme casqué sourit et ses lèvres tendues découvrirent de terribles dents blanches. Son haleine brûlait d’eau de vie de prune. Quand il vit Kattle si misérable avec sa couverture trouée sur les épaules, et cette sorte de poupée informe blottie dans ses bras, il éclata d’un rire goguenard et s’écria en se tapant sur le ventre :
Et il s’éloigna à grandes enjambées dans la neige épaisse qui crissait sous ses bottes. Remise de sa peur, Kattle courut bien vite en direction de la forêt. Dans les champs, les piquets des clôtures, noirs sur fond blanc, rappelaient les bâtonnets d’écoliers. Les corbeaux rasaient le sol recouvert depuis un mois de la même couche de neige durcie, et leurs appels suppliaient le cruel hiver. Les saules semblaient se déformer sous les tortures du froid. A l’orée de la Malnoue, Kattle rencontra un vieil homme qui coupait du bois. Il avait allumé un feu et brûlait des branches. Sa silhouette déformée par la chaleur du brasier, tremblait et apparaissait au travers d’une fumée bleue.
Kattle avança, timidement. Arrivée près de lui, elle s’aperçut qu’il était chaussé de sabots garnis de paille, et qu’une peau de mouton mal taillée découvrait une ceinture de flanelle débordant de son pantalon. Le vieil homme lui demanda :
La petite répondit en rejetant ses nattes en arrière d’un revers de main leste :
Le vieux caressa sa moustache roussie d’un geste familier et questionna :
Mise en confiance par ce grand-père qui avait l’air bon, Kattle avoua :
Le bûcheron se rembruni et cessa d’aviver son feu :
Il sortit sa fourche du brasier, la brandit entre lui et la fillette et cria :
La petite se mit à pleurer :
L’homme reposa sa fourche. Perplexe, il souleva son béret rivé à son crâne tant il en épousait la forme ronde.
Kattle refoula ses larmes et dit :
Le grand Frédéric n’en revenait pas.
Puis, après un temps :
L’homme leva les bras au ciel :
Le vieux bûcheron, égayé par le souvenir de son village natal, ajouta :
Puis il se remit à gratter son feu qui cuisait les visages et fumait les vêtements. Avec l’air de réfléchir en force il murmura :
Kattle essuya une dernière larme et dit :
Gêné, le grand Frédéric toussota :
La petite remercia. L’homme remarqua le pantin qu’elle serrait contre sa poitrine :
Elle adressa un signe de la main au vieux bûcheron, et partit en sautillant sur la laie d’exploitation encroûtée de neige brunie.
Il empoigna sa hache et entreprit d’ébrancher un bouleau. Au bout d’un quart d’heure, il releva la tête, laissa tomber son outil et se mit à jurer !
Il s’élança sur les pas de la petite en criant :
Trop tard ! Silhouette floue, la fillette s’évanouissait dans le lointain. Le grand Frédéric agita son béret en vain, puis il le pétrit entre ses mains gercées. Une larme roula sur sa joue fripée. Il soupira :
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![]() | «Je viens remettre en vos mains la fille et le fils de vos rois.» – «Mourons pour notre roi Marie-Thérèse !» s’écrièrent les nobles... | ![]() | «Le texte de la présente édition est conforme à celui de la première édition illustrée par Gustave Doré, Hachette (1863).» |
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