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fonctionne ainsi et qu'il y ait finalement un univers cohérent. Il y a évidemment beaucoup de désordre, mais qui contribue autant à l'organisation qu'à la désorganisation de notre univers. A cela on peut répondre -ce que font certains astrophysiciens - oui, mais il y a surtout d'innombrables univers qui n'ont pas pu aboutir, carde ce vide d'où nous sommes issus sortent des bulles qui n'aboutissent pas. Parmi elles cependant il y en a une qui à pu donner notre univers. Il est évident aussi que notre univers a quelque chose d'extraordinaire pour pouvoir présenter cette organisation en particules, noyaux, atomes, molécules, astres, c'est quelque chose de fabuleux. Autrement dit, ce qui nous semblait normal auparavant - un univers construit par un Dieu-architecte - nous paraît aujourd'hui absolument incroyable Compte tenu de nos connaissances actuelles toutefois, on ne peut réhabiliter l'idée d'un Dieu planificateur. Il y a tout au plus un Dieu, ou un enfant disait Héraclite, qui joue aux dés. Il y a eu beaucoup de bifurcations dans cette histoire d'un Dieu qui joue aux dés. Et comme dans tous les jeux, il y a des règles et des aléas. Peut-être finalement que ce sont deux dieux qui jouent l'un contre l'autre aux échecs. On peut tout supposer. C'est cela à mon avis, le grand mystère de l'univers et de la réalité, qui est inconcevable. Je crois que tout cela démontre les limites extraordinaires de la rationalité humaine pour concevoir un réel qui la dépasse. Seulement cette rationalité humaine a la capacité de savoir que la réalité la dépasse. C'est quand même une vertu de l'esprit humain. Page suivante 8 : Et la mystique dans tout cela? (Page Index - page 1 - page 2 - page 3 - page 4 - page 5 - page 6 - page 7 - page 8 - bibliographie) (16) Voir par exemple Armand Delsemme, Les Origines cosmiques de la vie. Une histoire de l'Univers du Big bang jusqu 'à l'Homme, Paris, Flammarion, 1994; Albert Jacquard, La Légende de la vie, Paris, Flammarion, 1999; La Recherche, hors série n°I (Naissance et histoire du cosmos), avril 1998. (17) Sur la question de la finalité dans l'univers, voir Trinh Xuan Thuan, La Mélodie secrète. Et l'Homme créa l'univers, Paris, Gallimard, 1991, qui rappelle, p. 278, le principe anthropique de Brandon Carter: "L'univers se trouve avoir, très exactement, les propriétés requises pour engendrer un être capable de conscience et d'intelligence o>. (18) Brandon Carter est Directeur de Recherche au CNRS (Unité 8629), Département d'Astrophysique relativiste et de Cosmologie. Sur le principe anthropique, voir aussi Sciences et avenir, hors série n°124 ("Le sens de la vie), octobre/novembre 2000. 8. Et la mystique dans tout cela? -La mystique est peut-être une expérience de cet ordre - là? La mystique est une expérience à la fois de perte et d'accomplissement de soi. Au fond, il y a deux états mystiques celui qui naît du vide, de la pacification, une sorte de mystique zen où l'on se perd et où l'on oublie son moi dans une sorte de plongée cosmique ; l'autre état mystique est, au contraire, celui de la surexcitation, de l'intensité, de la fusion presque érotique comme chez Thérèse d'Avila. Ces deux états mystiques sont très importants. L'extase par exemple est une chose fondamentale pour l'être humain et on peut y arriver par l'érotisme, la mystique, la transe musicale, etc. Certains mystiques disent qu'ils éprouvent une sur-vie, une vie supérieure. C'est pour eux un état d'accès à une vie différente, une autre vie. Oui, on peut penser cela, mais est-ce que le mot vie a alors le même sens ? Je ne sais pas. C'est un état limite de notre être auquel nous aspirons, mais je ne pense pas que, par-là même, cela nous révèle quelque chose. Dans la première édition de L'Homme et la mort (19), l'amortalité est envisagée comme quelque chose de possible. Deux biologistes, Frédéric Revah et André Klarsfeld (20), reprennent aujourd'hui cette question. Oui, d'ailleurs j'ai rencontré un collègue de Klarsfeld, Amelsen, qui m'a dit qu'effectivement j'avais bien vu à l'époque dans ma première version que j'ai ensuite contestée (21)... Comment un esprit fini, limité comme le nôtre, peut-il avoir une conception de l'infini? Question déjà posée par Descartes ou Emmanuel Lévinas. Peut-on dire que c 'est simplement l'angoisse de la mort qui donne l'idée d'une transcendance, d'un au-delà ou d'une survie ? Et si c'était une réminiscence au sens où l'entend Platon ? Peut-on simplement dire, en risquant le réductionnisme psychologique, que l'idée d'une amortalité, d'une immortalité ou d'une survie n 'est qu 'une projection de l'angoisse? Je crois que cette métaphysique d'une vie au-delà de nos vies ne vient pas seulement de la mort, elle vient aussi du mystère de l'existence. Méditer sur l'existence donne, par opposition à l'idée de finitude, la presque idée de l'infini. Mais nous supportons mal cette idée de finitude. C'est elle pourtant qu'il faudrait finalement supporter. Edgar Morin, Sociologue - Directeur de Recherche émérite au CNRS. Retour à la page index: Edgar Morin, L'homme et l'univers (Page Index - page 1 - page 2 - page 3 - page 4 - page 5 - page 6 - page 7 - page 8 - bibliographie) (19) Edgar Morin, L'Homme et la mort, Paris, Buchet/Chastel, 1951. Réédition, Paris, Seuil, 1970, p. 311: " Pour résumer, la biologie a découvert que la mort n'était pas une nécessité de la vie organique. Les êtres vivants, à leur origine, dans leur Structure élémentaire ne sont nullement heideggeriens. La seule mort qui soit naturelle est la mort accidentelle ". (20) Voir l'article d'André Klarsfeld et Frédéric Revah publié dans ce numéro de Prétentaine : "Des limites naturelles à la vie 7 A quoi bon l'éternité 7". (21) Edgar Morin, " La science de la mort elle mythe morinien d'amortalité " in L'Homme et la mort, op. cit., pp. 307 et suivantes. 9. Bibliographie La Méthode La Nature de la Nature, tome 1, Paris, Seuil, 1977. La Vie de la Vie, tome Il, Paris, Seuil, 1980. La Connaissance de la Connaissance, tome III, Paris, Seuil, 1986. Les Idées. Leur habitat, leur vie, leurs moeurs, leur organisation, tome IV, Paris, Seuil, 1991. L'Humanité de l'humanité. L'identité humaine, tome V. Paris, Seuil, 2001. Complexus Science avec Conscience, Paris, Fayard, 1982. Science et Conscience de la complexité (textes rassemblés et présentés par Christian Attias et Jean-Louis Le Moigne), Aix-en-Provence, Librairie de l'Université, 1984. Sociologie, Paris, Fayard, 1984. Arguments pour une Méthode, Colloque de Cerisy (< Autour d'Edgar Monn "), Paris, Seuil, 1990. Introduction à la pensée complexe, Paris, ESF, 1990. La Complexité humaine (choix de textes avec une introduction de Heinz Weinmann), Paris, Flammarion, 1994. Anthropologie fondamentale L'Homme et la Mort, Paris, Seuil, 1951. Le Cinéma ou l'Homme imaginaire, Paris, Minuit, 1956. Le Paradigme perdu: la nature humaine, Paris, Seuil, 1973. L'Unité de l'homme (en collaboration avec Massimo Piattelli-Palmarini), Paris, Seuil, 1974. La Croyance astrologique moderne, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1982. XX Siècle L'An zéro de l'Allemagne, Paris, La Cité universelle, 1946. Une Cornerie, Paris, Nagel, 1947. Les Stars, Paris, Seuil, 1957. Introduction à une politique de l'homme, Paris, Seuil, 1965. L'Esprit du temps, tome 1, Paris, Grasset, 1962 ; tome Il, Paris, Grasset, 1976. Commune en France: la métamorphose de Plodemet, Paris, Fayard, 1967. Mai 68: la brèche (en collaboration avec Claude Lefort et Comelius Castoriadis), Paris, Fayard, 1968 (Bruxelles, Complexe, 1988, nouvelle édition, suivie de Vingt Ans après). La Rumeur d'Orléans, Paris, Seuil, 1969 (Paris, Seuil, 1973, édition complétée avec La Rumeur d'Amiens). La Femme majeure (en collaboration avec Nicole Benoit et Bemard Paillard), Paris, Seuil, 1973. Mais, Paris, Néo, 1978, (dessins de Marek Halter). Pour sortir du XX~ siècle, Paris, Nathan, 1981. De la nature de IURSS, Paris, Fayard, 1983.rec. 280 full text |