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Les mémoires de la seconde guerre mondiale Introduction Dans l’histoire des nations, il est des périodes, que l’on souhaite occulter car les actes des dirigeants ont été en contradiction avec les principes et les valeurs dans lesquels la population se reconnaît. C’est le cas des années 1940. En effet, durant ces « années noires », les Français se sont divisés et le gouvernement de Vichy a collaboré avec l’occupant, allant jusqu’à participer à la traque des résistants et des citoyens français de confession juive. A partir de 1944, pour rétablir l’unité de la population, les gouvernements diffusent une mémoire résistancialiste. Cependant, à partir des années 1970, les victimes de la guerre se mobilisent pour faire reconnaître leurs souffrances et juger les coupables. Les Français font enfin faire face à leur passé. Les historiens, qui ont joué un rôle majeur dans cette prise de conscience, réaffirment au passage leur liberté d’action et de recherche. 1 L’élaboration d’une mémoire résistancialiste 1.1 Un pays meurtri et divisé En 1945, la France est un pays en grande partie ravagé. De 1940 à 1944, le pays a subi une longue occupation et il a été pillé. Les Français se sont divisés. Le gouvernement français dirigé par le Maréchal Pétain a collaboré avec Hitler en lui livrant des matières premières et des produits finis, en participant à la déportation des Juifs, en créant la Milice contre les résistants. D’autres Français, en France occupée ou à Londres avec De Gaulle ont combattu l’occupation de leur pays. Enfin, la majorité des Français a eu une attitude attentiste. Les prisonniers de guerre, les pétainistes, les collaborateurs, les résistants, les déportés ont vécu différemment les « années noires ». Ils en ont gardé des mémoires opposées. Dès la libération une épuration sauvage se met en place. Partout, on arrête et on fusille des collaborateurs, des miliciens mais aussi des personnes innocentes. Des femmes qui ont aimé des Allemands sont humiliées en public et tondues. De Gaulle impose aux résistants l’autorité de l’État et il met en place une épuration légale avec des tribunaux réguliers. Pétain est condamné à mort mais sa peine est commuée en prison à vie. Laval est exécuté. 1.2 La mise en place d’une mémoire résistancialiste En 1945, l’État veut rétablir l’unité des Français. Les deux principales forces politiques (les gaullistes et les communistes) s’entendent pour présenter à la population un discours résistancialiste. Ils effacent de la mémoire officielle et des livresd’histoire tous les pages sombres des années 1940-1944 : la déroute militaire de 1940, l’exode, l’armistice, le vote du 10 Juillet 1940, la collaboration d’État. . . Les forces politiques présentent l’image un pays totalement résistant, avec très peu de collaborateurs. Le rôle des Américains dans la libération du territoire est minimisé. Les gaullistes vantent l’action de la France Libre et de son chef. Le Parti communiste, met en avant son action résistante pour faire oublier qu’il a soutenu le Pacte germano-soviétique de 1939 et qu’il n’est réellement entré dans la Résistance qu’à partir de l’invasion de l’URSS par Hitler en 1941. Le PCF se présente comme le « Parti des 75 000 fusillés » (alors que le nombre de personnes fusillées par les Allemands s’élève à 30 000). La IVe République (1946-1958) honore les résistants dont les noms sont donnés à des stations de métro ou à des rues (Jacques Bonsergent, GuyMoquet, d’Estienne d’Orves. . .). Les autres catégories (prisonniers de guerre. . .) sont ignorées. L’État mène une politique de réconciliation. En 1956, le film d’Alain Resnais (Nuit et Brouillard) est censuré car on y apprend que les Juifs internés étaient gardés par des policiers français. 1.3 L’apogée du résistancialisme sous De Gaulle En 1958, alors que la guerre d’Algérie fait rage depuis 4 ans, la population européenne d’Alger se révolte et impose le retour du Général au pouvoir. Ce dernier utilise son passé et les valeurs de la Résistance pour refaire l’unité des Français. De Gaulle nie la légitimité du gouvernement de Vichy ; la République (qui était à Londres) et l’État français ne peuvent être tenus responsables de la collaboration. Vichy n’a été qu’une parenthèse, un « État de fait ». Le gouvernement fait construire des musées à la gloire des résistants ainsi que le Mémorial du Mont-Valérien. Ce lieu, où plus de 1 000 otages ont été fusillés, devient le monument où on honore les résistants. En 1964, lors d’une émouvante cérémonie retransmise à la radio, les cendres de Jean Moulin, fondateur du CNR (Conseil National de la Résistance) sont transférées au Panthéon. Jean Moulin devient un instrument de la politique résistancialiste : c’est un homme de gauche qui a soutenu le Front Populaire et c’est aussi un fervent gaulliste qui est mort sous la torture. 2 La reconnaissance des mémoires de la Seconde guerre mondiale 2.1 Un nouveau contexte En 1969, De Gaulle se retire et il meurt l’année suivante. Ses successeurs qu’ils soient de droite ou de gauche restent sur la même ligne politique. Ils refusent de reconnaître une quelconque responsabilité de l’État français et le ministère de l’Intérieur met peu de zèle à retrouver les collaborateurs en fuite. En 1971, Pompidou gracie Paul Touvier, chef de la Milice de Lyon et il demande que l’on oublie « ces temps où les Français ne s’aimaient pas, s’entre-déchiraient et même s’entre-tuaient ». Giscard D’Estaing supprime la commémoration du 8 mai 1945 au nom de l’amitié franco-allemande. Tous les présidents font fleurir la tombe de Pétain à l’île d’Yeu le 11 novembre. Cependant, les Français nés après la guerre sont prêts à entendre une autre version de l’histoire de leur pays. Le cinéma écorne le mythe résistancialiste ; Marcel Ophuls réalise « Le Chagrin et la Pitié » et il montre que toute la France n’était pas entièrement résistante. Louis Malle dans « Lacombe Lucien » raconte l’histoire d’un paysan français qui se met au service de la Gestapo. L’historien américain Robert Paxton publie « La France de Vichy » ; il démontre que la collaboration a été proposée par Pétain et non demandée par Hitler. 2.2 Le réveil de la mémoire juive En 1945, les rescapés des camps de la mort s’aperçoivent que personne ne veut entendre leurs souvenirs et ils se réfugient dans le silence. D’autres (Simon Wiesenthal, les époux Klarsfeld) se fondent sur la loi de 1964 sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et se lancent dans la traque des nazis dans le monde entier. En 1961, le gouvernement israélien capture en Amérique du Sud Adolf Eichmann qui était responsable du transport des Juifs vers les camps d’extermination et de nombreux survivants sont appelés à témoigner. En France, les intellectuels se mobilisent devant la montée des thèses négationnistes. Aux États-Unis, on réalise le film « Holocaust » et en France Claude Lanzmann tourne « Shoah ». 2.3 Les Français enfin face à leur passé En 1992, le gouvernement socialiste crée une journée nationale à la mémoire des victimes des persécutions racistes et antisémites (le 16 Juillet, jour de la rafle du Vel d’Hiv). Des procès pour crimes contre l’humanité sont organisés : contre Klaus Barbie, chef de la Gestapo de Lyon et tortionnaire de Jean Moulin (1987), contre Paul Touvier (1994), et enfin contre le préfet et ancien ministre Maurice Papon (1998). Les Français découvrent l’existence des « vichysto-résistants » qui comme François Mitterrand ont servi Pétain avant de s’engager dans la Résistance. En 1990, le Parlement vote la loi Gayssot contre le négationnisme. En 1995, Jacques Chirac reconnaît la responsabilité de l’État français dans la déportation des Juifs de France. L’État indemnise les familles spoliées ou déportées. Il crée le Mémorial de la Shoah qui honore les déportés mais aussi les « Justes » qui ont sauvé des Juifs. Le contentieux étant apuré, l’accent est maintenant mis sur le devoir de mémoire. 3 L’historien face aux mémoires 3.1 Le travail de l’historien L’étude des années 1940 est une tâche difficile car les faits sont récents et les témoins nombreux. Deux notions très différentes s’opposent : l’histoire et la mémoire. La mémoire est un ensemble de souvenirs qu’une personne ou un groupe humain a retenu de son passé. La mémoire est partielle et subjective. L’Histoire est une science qui étudie les faits et les analyse de façon critique. L’historien utilise la mémoire et recueille les souvenirs des contemporains des faits qu’il analyse mais il les confronte aux autres sources dont il dispose car les témoignages ne sont pas neutres. L’historien n’est pas là pour faire revivre le passé (comme un roman ou un film) mais pour l’expliquer. 3.2 L’intervention des historiens dans les débats publics Les historiens (Jean-Pierre Vernant, Pierre Vidal-Naquet) sont sortis de leur neutralité lorsque des thèses négationnistes ont été soutenus dans certaines universités françaises. En 1987, Le chef de l’extrême-droite Jean-Marie Le Pen affirme que les chambres à gaz étaient « un point de détail de la Seconde Guerre mondiale ». De nombreux intellectuels se mobilisent contre les « assassins de la mémoire ». Lors des procès de K. Barbie, de P. Touvier et de M. Papon, les historiens sont invités à participer aux procès pour rappeler aux juges et aux jurés l’histoire des années noires. Les historiens se divisent. Jean-Noël Jeanneney accepte de témoigner pour aider la justice. Henry Rousso refuse car il s’agit de juger un homme et non une époque ou un régime. D’autre part, les historiens n’ont pas été associés à l’enquête et n’ont pas eu accès au dossier. 3.3 Les historiens et les lois mémorielles Les partis politiques utilisent les mémoires de la Seconde Guerre mondiale (ou de la guerre d’Algérie) à des fins électorales. A partir de 1990, le Parlement vote de nombreuses lois mémorielles : • loi Gayssot condamnant la négation des crimes contre l’humanité (1990), • loi reconnaissant le génocide arménien (2001), • loi Taubira assimilant la traite négrière atlantique ou de l’océan Indien à un crime contre l’humanité (2001). Les historiens craignent que ces lois ne nuisent à leur liberté de recherche. En 2005, le Parlement vote un amendement qui oblige les manuels scolaires à mettre en avant, le « rôle positif de la présence française outre-mer ». Devant une telle intrusion, 650 historiens signent un appel pour dénoncer les lois mémorielles. Ils affirment que l’histoire n’est ni une religion, ni une morale, qu’elle n’est pas l’esclave de l’actualité, qu’elle tient compte de la mémoire mais qu’elle ne s’y réduit pas. Conclusion Les paroles de Jacques Chirac permettent de mettre fin à la guerre des mémoires de la Seconde Guerre mondiale. Le devoir de mémoire fait maintenant l’unanimité. Cependant, les dirigeants continuent à se réclamer des résistants et de leurs combats. Le premier geste de tout président élu est de marquer son attachement à la Résistance. En 2007, Nicolas Sarkozy a voulu faire lire dans tous les lycées la lettre écrite par Guy Moquet avant son exécution. En Septembre 2013, François Hollande et son homologue allemand Joachim Gauck se sont rendus à Oradour- Sur-Glane. En 2015, les cendres de quatre résistants sont transférées au Panthéon: Germaine Tillon, Geneviève Anthonioz-De Gaulle (qui ont été déportées à Ravensbruck), Pierre Brossolette et Jean Zay. |
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